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Un éditeur, ça sert à quoi ?

Publié le 01 décembre 2011 par Paumadou

Je n’en ai pas parlé parce que Novembre, c’est le NaNo et que cette année, ben j’ai quand même eu du mal à boucler mes 50000 mots, mais le 30 Novembre à 23h59 se terminait un autre projet-défi-titanesque et littéraire.
En réalité, il s’est fini à 21h (heure française) mais pour voir ça en direct, il fallait être sur twitter (parce que ça bouge en temps réel contrairement aux blogs/Facebook plus statiques). Bizarrement, j’étais présente sur Twitter quand le défi a été lancé et quand il s’est terminé (ne croyait pas que j’y passe ma vie, mais le hasard joue un rôle très bizarre dans mon existence… à croire que je suis née sous le signe du hasard tant il me tombe dessus de manière particulièrement régulière)

Le défi La-grange.net (appelons-le comme ça vu que ça n’avait rien d’organisé, c’était plutôt le genre de défi lancé comme ça un jour d’un type à l’autre)

Ou comment deux éditeurs (Jean-François Gayrard de Numériklivres et François Bon de Publie.net) se sont disputés pour « obtenir » un auteur et l’ont finalement eux tous les deux sans l’avoir vraiment.

Cet auteur, c’est Karl Dubost qui tient un blog depuis plus de dix ans avec des billets quasi-quotidiens : la-grange.net

Pour les explications sur ce défi (et son origine), je vous laisse lire les explications des trois protagonistes : Karl Dubost, François Bon et Jean-François Gayrard.

Voilà donc un projet très intéressant sur plusieurs points (et je ne parlerai ici que théorie puisque je n’ai pas encore lu les ouvrages) :

  • Permettre de montrer le réel travail d’un éditeur : sélection des textes et photos, mise en page, organisation, thèmes…
  • Montrer que la créativité peut être engendrée par les licences libres et engendrer de nouvelles oeuvres
  • Réfléchir sur le travail d’auteur et d’éditeur
  • Comment innover dans l’édition et créer une nouvelle dynamique

Le réel travail d’un éditeur

D’après les premiers échos de lecteurs, les présentations et les extraits des bouquins, voilà ce qui sautent aux yeux : pour un même auteur, deux éditeurs équivalent à deux visions différentes. Même si quelques textes semblent être commun, la plupart des choix sont différents, la mise en page et l’organisation aussi semble-t-il.
C’est intéressant parce que tout le monde a accès au blog et pourrait donc voir les choix opérés, la volonté de l’éditeur d’aller dans un sens ou l’autre. La seule contrainte était de demander à l’auteur, l’autorisation pour les photos représentant des personnes. L’éditeur était donc parfaitement libre de ses choix. Un travail d’édition qui, à mon avis, doit être assez peu courant puisque la plupart du temps les auteurs ne sont pas si permissifs.

La Licence libre

Le blog est en licence libre CC-by depuis le 1er octobre afin de permettre ce travail d’éditions totalement libre. CC-By, c’est la licence la plus permissive : on peut tout faire avec, à condition de nommer l’auteur. Y compris modifier, y compris diffuser sous copyright, y compris vendre. J’avoue que la licence libre, je suis de plus en plus fan, mais de là à diffuser en CC-by… la différence est sans doute dans le fait que Karl Dubost gagne sa vie autrement qu’en écrivant, qu’il considère ses textes comme de la matière première qu’il n’a pas envie de retravailler et laisse cela à d’autres.
Le fait est que cette licence a laissé la liberté totale aux deux éditeurs : faisant peut-être même un peu peur à François Bon qui a voulu un contrat d’édition « classique » (et ne l’a pas obtenu). Comme un aval de l’auteur ? Un moyen de se protéger peut-être car quand on publie un livre : l’auteur peut se cacher derrière l’éditeur et l’éditeur derrière l’auteur. C’est une protection mutuelle : qui a fait quoi ? Qui a décidé quoi ? Au final, c’est un tout et c’est le groupe qui est félicité ou blâmé.
Dans cette situation particulière, seul l’éditeur est responsable. L’auteur se dédouane de tout : ni rémunération, ni choix, ni thématique. Il a déjà fait face au public via son blog, dans ce défi, le livre édité est la seule responsabilité de l’éditeur et c’est beaucoup plus lourd à porter.
C’était un travail beaucoup plus créatif et porteur de sens éditorial que de simplement travailler avec un auteur sur le texte de ce dernier. En cela, en retrouve l’idée licence libre et créative : une oeuvre donnant naissance à une autre, sans contrainte, sans restriction. Créer une oeuvre et l’offrir au public, il faut l’assumer dans tous les sens (défauts comme qualités) et l’assumer seul.

L’auteur qui échappe à l’éditeur

J’ai dit que les deux éditeurs avait obtenu l’auteur, j’aurai plutôt dû dire ses textes. Car l’auteur, lui, leur échappe. Certes, tous les deux l’ont rencontré, ont discuté avec lui, mais je pense qu’il continue de leur échapper complètement (ne serait-ce que par le fait qu’il n’a pas de contrats réciproques entre eux : la licence CC-by est très permissive, mais en aucun cas, l’auteur n’est redevable de quoi que ce soit sur l’utilisateur des textes. C’est une relation à sens unique : je te donne, je n’attends rien de toi en retour et tu ne dois rien attendre de plus de moi. C’est déséquilibré.)
C’est à la fois une bonne chose : l’auteur reste indépendant (ça devrait plaire à tous ceux qui hurlent sur les maisons d’éditions et les sabreurs de textes), mais en même temps, pour l’éditeur, ça doit être particulièrement frustrant. Parce qu’une relation de travail entre deux personnes, pour être équilibrée, doit être réciproque. Là, en étant seul maître à bord, l’éditeur se retrouve dans la situation d’un second à la tête d’un bateau que le capitaine a déserté. Même avec toute ses connaissances et ses années de bourlingue, ça doit quand même être très déstabilisant. Certes, s’il s’en sort, il en aura tout le mérite, mais en attendant, la tempête, tout seul, c’est beaucoup plus dur à affronter (et là en l’occurrence, le second était la seule personne vivante à bord… ce qui rend ce défi bien plus « survivor » qu’une simple anthologie rédigée par un groupe éditorial)

L’innovation

Le nombre de personnes qui affirment que l’édition ne se renouvelle pas, même en numérique (parce que la forme du livre électronique reste très semblable au livre papier) en auront pour leur frais : voilà deux maisons d’éditions numériques concurrentes (mais néanmoins amies) qui s’entre-stimulent et s’entre-promotionne d’une nouvelle manière. La compétition amicale entraîne un intérêt pour ces éditeurs qui ne parlent pas de leur métier comme beaucoup d’éditeurs qui jouent les pompeux Pompés en discourant inlassablement sur leur travail indispensable sans lequel l’auteur ne serait rien. Ces deux éditeurs-là montrent ce qu’ils font :

Il y a ces textes qui ont une qualité littéraire indéniable. Nous en tirons un livre édité et nous vous montrons ce que ça donne. Vous avez tous les éléments en mains pour juger si nous sommes utiles ou non.

D’un point de vue promotionnel, c’est excellent : il y a le défi, le timing, la progression en direct, les petites pics ici et là entre les deux éditeurs (via twitter : @fbon et @numeriklivres), la date de lancement avec compte à rebours, et les deux livres au même prix. Parce qu’évidemment pour voir le résultat, il faut acheter les deux livres ! et ça c’est fort (la preuve, ils sont déjà sur ma liste des prochains bouquins à acheter quand j’aurai fini ceux que j’ai pas encore lu)

Un éditeur, ça sert à quoi ? Un éditeur, ça sert à quoi ?


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