Journée mondiale de lutte contre le sida : article lolilol

Publié le 01 décembre 2011 par Vinsh

On en aura entendu parler à la TV aujourd'hui. Comme tous les ans. Le 1er décembre de chaque année, on essaye de penser un peu au sida, parce que c'est le moment pour y réfléchir : la journée officielle (youhou) (ça sonne un peu fan club, avec le recul, l'appellation "journée officielle") (z'ont bien fait de choisir "journée mondiale"). Celle où l'internet va ressortir tous les articles, tous les chiffres, toutes les données sur le sujet. Celle où les gens qu'on va croiser dans la journée vont inévitablement en parler. Celle où le ruban rouge surgit sur les vestes, sur les affiches, sur les écrans. Non pas qu'on ne pense jamais au sida le reste de l'année, hein. Mais ce jour là, on y pense un peu plus. 
Ces journées internationales de machin-chose, si elles sont trop nombreuses dans le calendrier, ont au moins le don de nous inviter à réfléchir plus de dix secondes à un sujet, une fois par an, et de faire un bilan annuel d'une cause. Concernant le sida, depuis que je suis en âge de comprendre ce que c'est (juste après les "pires" années en Occident, en ce qui me concerne), j'ai l'impression que c'est toujours pareil : chaque année on nous dit qu'on progresse mais qu'on n'a toujours pas trouvé, qu'il faut continuer à se protéger et que l'Afrique va mourir dans l'indifférence générale. On a sécurisé et verrouillé au maximum le risque lié aux transfusions. Ce qui, quoi qu'on en dise (et même si, par exemple - au hasard - l'exclusion des homosexuels du don du sang continue de poser question), est une bonne chose. Mais le sexe, la prévention, la responsabilité de chacun : toujours pas de vraie sécurité de ce côté-là. C'est le constat terrible de trente ans d'épidémie : alors que c'est une maladie connue, avec laquelle a priori on devrait avoir appris à composer (quoique...), la seule arme qu'il faut sans cesse dégainer, c'est la pédagogie : mettez des capotes. Nan, la pilule ne protège pas des IST. Oui, une fellation sans capote représente un risque. Non, on ne guérit pas du VIH. 
Comme c'est lié à la sexualité, il faut croire qu'on a du mal à se raisonner et à faire, en toutes circonstances, ce qu'il faut. J'ai toujours été plutôt prudent et n'ai jamais eu à expérimenter le TPE. Mais ai-je pour autant été complètement safe en toutes circonstances ? Ai-je fait attention à chaque détail ? Non, bien sûr. Comme beaucoup d'autres, il a pu m'arriver de commettre une imprudence, de me laisser emporter par le feu de l'action, de faire confiance : sans aller jusqu'au rapport non protégé, j'ai déjà, d'un point de vue purement médical, couru des risques que j'estimais mineurs et raisonnables. 
Évidemment, c'est débile. Mineur ou pas, le risque est le risque, et si tu te plantes, tu te plantes bien comme il faut. Comme quoi cette histoire de pédagogie permanente est finalement logique : on est quand même très con, quand on s'y met. Ce qui est triste, justement, c'est que cette pédagogie n'est pas seulement nécessaire pour les nouvelles générations qui débarquent sur le marché de la baise safe (et qui n'ont pas peur du sida parce qu'ils n'ont pas vu des gens maigres sur le point de mourir à la télé quand ils avaient cinq ans), mais bien pour nous tous, qui avons apparemment besoin de nous rappeler régulièrement que non, le combat contre le sida n'est pas gagné, et que oui, il faut continuer à se protéger. Le fait de pouvoir vivre avec la maladie (surtout si tu es occidental, si tu veux mon avis) pendant plusieurs années voire plusieurs décennies grâce aux trithérapies ne signifie pas que ce n'est plus une maladie grave.
D'ailleurs, imagine que tu es séropositif et que tu te retrouves dans l'incapacité matérielle de suivre ton traitement... T'imagines, si Ingrid Betancourt ou Florence Aubenas avaient été séropositives durant leurs captivités respectives ? C'est déjà pas marrant d'être otage, alors si en plus tu risques de crever sans même que les ravisseurs aient besoin de te flinguer, bonjour l'optimisme. Je veux dire, dans Seul au monde, si Tom Hanks s'était retrouvé seul sur son île déserte ET séropositif, m'est avis qu'on l'aurait jamais retrouvé vivant cinq ans plus tard. Oui, il faut penser à l'éventualité d'un naufrage sur une île déserte. Ce serait quand même con de ne pas pouvoir revenir de son aventure de Robinson Crusoé, écrire un livre et devenir riche, non ?

Wilson !!!


(Je crois que j'ai pensé à Tom Hanks à cause de Philadelphia) (un film qui te met un peu la pression quand tu es un jeune futur aspirant pédésessouel de 12 ans)
Donc il faut utiliser des préservatifs. Et moi, me demandes-tu, qu'est-ce que j'ai fait cette année ? Bah j'ai arrêté. Bicauze of relation stable, fidélité, confiance, tout ça. Parce qu'on est tous les deux testés négatifs et qu'on se fait suffisamment confiance pour être sages et, j'espère, avoir au moins l'honnêteté de protéger l'autre en cas de "moment d'égarement". Je peux te dire que j'ai conscience du risque que je prends, et que je ne le prends que parce que je me sens en confiance. Mais si un jour je devais devenir séropositif, je peux te dire que je me sentirais bien con, avec toute la prévention et tous les discours pédagogiques auxquels je suis exposé. Fais ce que je dis, pas ce que je fais : je suis un peu con-con sur les bords, tu sais.
Au-delà des individus, le sida, c'est aussi l'histoire de bientôt 30 ans de recherche médicale, avec un certain succès mais toujours pas de vaccin. 25 millions de morts, environ 35 millions de vivants (dont une quinzaine de millions d'africains dont une bonne partie est en attente de traitement), et environ 7000 contaminations par an en France, et souvent, moi qui me demande si je suis de la génération qui se fera vacciner un jour. Cette maladie, pour moi, elle a toujours existé. Elle a accompagné mon enfance, mon entrée dans l'âge "sexuel" et a probablement contribué à une petite partie de ma peur du sang (celui des autres, hein, pas le mien). Cette maladie, c'est le sexe réduit au statut de danger.
Et c'est pour ça qu'il faut se protéger, et poursuivre le combat jusqu'à la victoire : cette maladie, c'est une saloperie, c'est la peur de l'autre, c'est le poison de l'amour, c'est la distance et la méfiance, impossible à dépasser même si on la range très loin dans un coin de sa tête. C'est cette question qui hante nos vies sexuelles : et si, un jour, j'attrapais moi aussi la maladie dont on ne guérit pas ? Une peur qui m'a probablement permis de rester suffisamment prudent pour être toujours séronégatif aujourd'hui, une peur qui pourrait être utile à quelques individus inconscients du danger qui demeure, mais une peur sans laquelle il serait tellement plus agréable de traverser notre existence amoureuse (qui nous offre déjà suffisamment matière à galérer).
Alors, si t'es pas médecin ou chercheur, fais le minimum que tu puisses faire à ton échelle : protège-toi. Et pis bon, si t'as des sous à donner aux SMS surtaxés de Secret Story, tu peux aussi (accessoirement) faire un effort et laisser s'exprimer ta culpabilité judéo-chrétienne en faveur des sales pêcheurs qui ont niqué quelqu'un qu'ils auraient pas dû. Mais avant tout, protège-toi : progrès de la médecine ou pas, ça reste vertigineux de penser qu'en une seule fois, on prend perpétuité de maladie, de traitements plus ou moins lourds, et de stigmatisation.
(dis donc, c'était ambiance funky, aujourd'hui)