Foi, croyances et dialogue interreligieux

Publié le 02 décembre 2011 par Perceval

Laurence Freeman o.s.b., extrait de « Understanding Faith » in First Sight : The Experience of Faith, Continuum, Londres, 2011, p. 12-14.

Une compréhension renouvelée de la foi démolit la prison de la croyance. (...)  Personne n’est exclu de cet élargissement de l’expérience de l’unité qui s’élève des profondeurs de l’âme, dans lesquelles les croyances ne peuvent pénétrer parce que « nous connaissons Dieu non par la pensée mais par l’amour ».

À la lumière de l’expérience contemplative, nous n’identifions plus la foi à la croyance, et nous ne condamnons plus la croyance d’autrui sous prétexte qu’elle est déficiente. (...) . Et dans le risque encouru – car il y a bien un risque – à aller à la rencontre de l’autre, à rencontrer d’autres croyants dans l’étrange royaume de la différence, nous découvrons la nature même de la foi. Nous sommes également rassurés en voyant que notre propre identité, que nous craignions menacée, se trouve en fait confirmée…

Se contenter d’affirmer et de défendre ses croyances ne peut mener à une vraie communauté de foi. Cette attitude fait de nous des adeptes d’une secte, des artisans d’une cabale fondamentaliste. Elle inhibe le mental en tant qu’organe de perception et de vérité. Si, confondant ainsi foi et croyance, nous envisageons la foi comme une vertu conférant le sentiment d’être différent ou supérieur aux autres, nous devenons tel le pharisien qui remerciait Dieu de l’avoir fait différent des autres et qui trouvait satisfaction dans le fait d’être supérieurement différent. Dans cet état, le mental religieux peut même se persuader que cette attitude est de l’humilité.  (...)

La foi est l’autoroute de l’esprit. Tout acte de foi que nous faisons est un dévoilement du labyrinthe de l’esprit. La croyance, coupée de la foi, conduit à un dédale de miroirs, une suite infinie de régressions, le dédale de l’ego. Les dédales conduisent à des impasses, et plus nous nous perdons plus nous paniquons. Les labyrinthes, en revanche, ne demandent qu’une chose, que l’on suive avec foi leurs sinuosités étranges mais en fin de compte symétriques, pour nous faire revenir au centre.

 p. 14-15.

Plus que toute autre religion, le christianisme a succombé à la tentation du pouvoir que crée l’uniformité de croyance. Vouer un culte à l’orthodoxie de croyance – faire en sorte que les mots, les rituels, les manifestations extérieures de la foi et les formules soient exactement comme il faut – est une trahison du Dieu vivant au profit d’un faux dieu de notre fabrication…

La croyance peut être héroïque.  (...) La foi est plus que la croyance la plus héroïque. Elle n’est pas seulement une conviction à laquelle on tient passionnément, quelles que soient la loyauté et l’abnégation de notre attachement. La foi est plus qu’un concept et plus qu’un signe d’appartenance loyale à un groupe particulier.

C’est une relation avec ce que l’on croit ; avec ce que l’on croit parce qu’on en fait l’expérience ; avec ce dont on fait l’expérience parce qu’on est simplement fait pour elle. Et par elle. La foi nous plonge dans l’ontologie et révèle indéfiniment la pleine dimension des mystères de l’être.

Fr. Laurence Freeman, moine anglais bénédictin.