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Le dernier stade de la soif (Frederick Exley)

Publié le 02 décembre 2011 par Despasperdus

«nous autres du service communication, d'après ce que je pus en comprendre, étions censés à rester à nos bureaux à nous curer le nez, à nous couper les ongles, à observer Young se débarrasser de la piétaille et à attendre au bout du fil que les journalistes nous posent des questions auxquelles, même si nous avions su quoi dire, nous n'avions pas le droit de répondre. Ce qui est une assez bonne définition du métier de la communication.»

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Le dernier stade de la soif est un récit jubilatoire à la première personne, l'autobiographie sans complaisance d'un alcoolique dingue de football, un écrivain maudit et un looser magnifique qui dérive d'échecs en naufrages.

«J'étais tous ces hommes à la fois et plus encore, même si au bout d'un moment je finis par me fixer sur mon incarnation favorite : chirurgien et chef de service à la clinique d'Eternal Hope, le jeune Docteur Horatio Penis (effrayant sur le papier, mais, avec le bon accent cela passait tout seul). "Docteur Peuhni, me présentai-je toujours. P-e-n-i-s. Enchanté". Tout comme Horatio, j'étais droit, ferme, en retrait, doux, dénué d'humour, pas idiot, et je passais la soirée entière, comme j'espérais que le bon Horatio l'eût fait à la mort du prince, à "me priver de toute quiétude".»

En décalage complet ses contemporains, il porte sur la société américaine un regard féroce qui rappelle celui d'un Thomas Bernhard ou d'un Heinrich Böll.

«Dans un pays où le mouvement est la plus grande des vertus, ou le claquement rapide des talons sur le bitume est érigé en sainte valeur, rester allongé pendant 6 mois relève du geste grandiose, rebelle et édifiant. (...) Le cou confortablement calé dans des coussins moelleux, main gauche posée sur mon pubis, je tâtais discrètement mon pénis inerte à travers le tissu rêche de la salopette. (...) Il y avait dans ce geste quelque chose qui rappelait le parvenu scrutant sans cesse ses comptes en banque, comme si ces chiffres consolateurs n'existaient qu'à son regard.»

Ses séjours chez sa mère, en hôpital psychiatrique ou chez son ami l'Avocat, ses rapports avec son père, ancienne gloire sportive locale, ses expériences professionnelles, dignes du héros de la conjuration des imbéciles, ses amours et ses rencontres sont décrits avec humour et légèreté. Certains passages sont d'ailleurs hilarants, vraiment, tant l'auteur a le don de la narration !

«Pas une seule fois pendant ces mois-là une idée intelligente ou une émotion n'émana de l'écran , et j'en vins à envisager ce média comme subversif : de par ses tromperies, ses mensonges assumés, sa lâcheté, sa bêtise, sa violence gratuite, ces personnalités dégoûtantes que l'on pousse dans les bras de la jeunesse, sa soumission rampante et infinie à nos fantasmes, la télévision sape la force de caractère, la vigueur, et pervertit de manière irréparable toute notion de réalité. Mais c'est un média tendre et aimant; et lorsqu'il a accompli son œuvre destructrice et réduit le spectateur au stade d'enfant baveux et écervelé, telle une gironde génitrice, il se tient toujours prêt à nous accueillir entre ses seins aux brunes aréoles.»

La vie racontée par Frederick Exley est une comédie humaine qui vaut vraiment la peine d'être lue.


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