4 décembre 1875 | Naissance de Rainer Maria Rilke

Publié le 04 décembre 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

   Le 4 décembre 1875 naît à Prague Rainer Maria Rilke (de son vrai nom Karl Wilhelm Johann Josef).
William T. Ayton, Rilke's Angel, 2000
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  Fils de Josef Rilke, ancien officier de carrière et inspecteur des chemins de fer, et de Phia (Sophia) Entz, le jeune Rilke suit ses classes élémentaires chez les Piaristes, à Prague. Après la séparation de ses parents, survenue en 1885, Rilke poursuit sa formation à l’École militaire de Sankt Pölten (Basse-Autriche) puis à la Militär-Oberreal-Schule de Mährisch-Weißkirchen, en Moravie. En 1892, Rilke rentre à Prague pour suivre des cours particuliers et obtient son baccalauréat en 1894. Il s’inscrit à l’Université de Prague où il suit des cours d’histoire de l’art, de littérature allemande et de droit. Parallèlement à ses études, il publie des textes dans des revues allemandes et autrichiennes. En 1896, à Munich où il vient de s’installer, il fait la connaissance de Lou Andreas-Salomé avec laquelle il noue une relation amoureuse qui dure trois années mais aussi une amitié profonde qui perdurera jusqu’à la mort du poète. Après l’époque fervente des voyages (Italie, Russie ― où Rilke rencontre Tolstoï ―), le poète revient en Allemagne. Il s’établit à Worpswede (entre Brême et Hambourg), fréquente des artistes et, en 1901, épouse une jeune sculptrice, Clara Westhoff, élève de Rodin. La rencontre avec Rodin aura lieu à Paris, en 1902. Un an plus tard, en 1903, le couple Clara-Rilke se sépare. Le poète voyage. L’Italie de nouveau avec Rome, la Scandinavie, Paris où il se brouille avec Rodin dont il est, un temps, le secrétaire, l’Afrique du Nord, l’Espagne. En 1911 et 1912, il séjourne au château de Duino, en Dalmatie, où il est l’hôte de la princesse Marie de la Tour et Taxis (Marie Von Thurn Und Taxis). Mobilisé en 1916, affecté au service de presse du ministère de la Guerre à Vienne, il est libéré en juin et s’installe à Munich où il vit la révolution de Novembre 1918. Après un nouveau séjour à Paris et de nombreuses pérégrinations en Suisse avec Merline (Baladine Klossowska), il s’installe dans la tour médiévale de Muzot-sur-Sierre, dans le Valais. C’est là qu’il accomplit sa « tâche la plus grande ». Il se consacre à l’achèvement des Élégies de Duino. Février 1922.


  « Ce qui me pesait et m’angoissait le plus est fait, et glorieusement, je crois. Ce n’était que quelques jours : mais jamais je n’ai supporté un pareil ouragan de cœur et d’esprit […] J’ai vaincu », confie-t-il à Merline dans une lettre datée du 9 février 1922.


  Bien qu’il ait déjà publié de nombreux recueils – Vie et Chansons (1894), Chicorées sauvages, Offrande aux Lares, Couronne de rêves (1896), Avent (1897), recueils suivis des « Onze visions » de Christ ―, Rilke fait remonter aux années 1899-1900 sa véritable réalité poétique. De cette époque datent la publication des recueils Pour me fêter, la rédaction du Chant de l’amour et de la mort du cornette Christophe Rilke, celle du Livre d’heures (écrit entre 1899 et 1903). Dans le même temps, en marge du Livre d’heures s’élabore, plus disparate, le Livre des images qui reflète les expériences vécues par Rilke de 1896 à 1906. L’année 1910 est marquée par la publication des Cahiers de Malte Laurids Brigge, œuvre en prose proche du journal intime où se lit la souffrance d’un jeune intellectuel tourmenté par la mort. Publié en 1912, le cycle des sonnets bibliques intitulé La Vie de Marie est considéré par le poète comme une œuvre de « seconde main ». Suivent les Cinq chants de guerre écrits par Rilke en 1914 et publiés en 1915. Unique œuvre poétique liée à un événement politique.


  Parallèlement aux Élégies de Duino, Rilke travaille aux Sonnets à Orphée. Si les dix élégies sont « nimbées dès le départ d’un halo religieux », les Sonnets à Orphée constituent un « tombeau » à la jeune danseuse Véra Ouckama Knoop, emportée par la maladie à l’âge de dix-neuf ans. La composition de ce nouveau cycle de poèmes s’impose à Rilke sous une « impérieuse dictée ». Œuvre « inspirée », le « cycle orphique » prend naissance dans le thème majeur des morts prématurées. Le monde humain y apparaît « dominé par l’antagonisme d’Orphée et de Prométhée, de l’art et de la technique ». Intemporel, le chant dix-neuf (ci-dessous) s’élève au-dessus de la technique et des changements temporels dus au progrès.


   Avec Stefan George et Hugo von Hofmannsthal, Rainer Maria Rilke est considéré comme l’un des plus grands poètes allemands du XXe siècle.


                 XIX

Wandelt sich rasch auch die Welt
wie Wolkengestalten,
alles Vollendete fällt
heim zum Uralten.

Über dem Wandel und Gang,
weiter und freier,
währt noch dein Vor-Gesang,
Gott mit der Leier.

Nicht sind die Leiden erkannt,
nicht ist die Liebe gelernt,
und was im Tod uns entfernt,
ist nicht entschleiert.
Einzig das Lied überm Land
heiligt und feiert.


                 XIX

Le monde aurait beau être
aussi changeant que les nuages,
quand achevé, tout fait retour
au temps des origines.

Changement, marche, au-dessus d’eux,
et plus vaste et plus libre,
présent encore est ton prélude,
dieu qui portes la lyre.

Souffrir n’est pas simple à connaître,
aimer n’est pas matière apprise,
ce qui dans la mort nous éloigne

n’est pas dévoilé. Seul
le chant au-dessus de la terre
est fête sanctifiante.


Rainer Maria Rilke, Les Sonnets à Orphée, Éditions Gallimard, Collection Poésie, 1994, pp. 168-169. Traduction de Maurice Regnaut.



RAINER MARIA RILKE

Source

■ Rainer Maria Rilke
sur Terres de femmes

15 avril 1904 | Lettre de Rilke à Lou Andreas-Salomé
→ 12 août 1904 | Lettre à un jeune poète (extrait)
→ 13 mars 1908 | Lettre de Rilke à Mimi Romanelli
→ 26 décembre 1908 | Rainer-Maria Rilke, Lettre à un jeune poète
→ 20 février 1921 | Lettre de Rilke à Merline
→ 30 décembre 1926 | Mort de Rainer Maria Rilke (+ Lettre posthume de Marina Tsvétaïeva à Rilke)
→ Chemins de la vie
→ Je voudrais tendre des tissus de pourpre
→ Ouverture
→ « Respirer, invisible poème ! »

■ Voir aussi ▼

→ (sur Terres de femmes) 12 avril 1926 | Lettre de Pasternak à Rilke
→ (sur Terres de femmes) 5 février 1937 | Mort de Lou Andreas-Salomé



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