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Nujabes – l’épopée du samurai musicien

Publié le 08 décembre 2011 par Acrossthedays @AcrossTheDays

NUJABES – L’ÉPOPÉE DU SAMURAI MUSICIEN

Le début de ce cher mois de décembre est marqué par une sortie un peu spéciale. En effet, depuis quelques jours, certains chanceux ont pu mettre la main sur le dernier album de Nujabes, “Spiritual State”. Cet album se démarque de ces prédécesseurs de par son caractère posthume, Jun Seba de son vrai nom, nous ayant quitté depuis bientôt deux ans déjà. Mais soyons logiques, ne commençons pas cette histoire par la fin,  et revenons ensemble sur le parcours de cet homme qui a su marquer la musique à sa façon.

Beat Laments The World

L’épopée Nujabes débute en 2003, alors âgé de 29 ans, le tout-juste producteur japonais nous livre sa première compilation sous le nom de son label fraîchement crée, “Hydeout Production First Collection”. Cette compilation de travaux réalisés avec des artistes de la scène hip-hop underground marquera les bases du vaste univers que Jun créera par la suite. Les MC qu’il produit alors deviendront des amis qui feront des apparitions récurrentes sur ses productions, et c’est à travers ces derniers que les gens écoutent ses premiers sons sans même le savoir.

Dans le courant de la même année, Nujabes se lance et publie son premier album “Metaphorical Music”. Bien que cette galette se démarque peu de la compilation sortie quelques mois auparavant, Nujabes se crée, au travers des quinze titres qui le composent, une véritable identité. Le jazzy hip-hop reste présent, mais Jun ne s’arrête pas là en revendiquant le folklore de son pays à travers sa musique. Il confirme de plus l’amour qu’il porte à la musique, car il est important de rappeler qu’avant de devenir un producteur de renom, Jun n’était qu’un petit disquaire de Shibuya, ce qui explique d’ailleurs probablement cette capacité à trouver le son adéquat à travers une perle jazz des années 60 pour la transformer en bijou moderne

NUJABES – L’ÉPOPÉE DU SAMURAI MUSICIEN

Aruarian Dance

Un an plus tard, en 2004, c’est à travers la bande originale de Samurai Champloo, animé japonais, que Nujabes se fait connaître du plus grand nombre. Bien que n’étant pas le seul homme derrière cette imposante bande originale, il en signe néanmoins les pièces maîtresses (le générique d’ouverture, Battlecry par exemple). Au-delà de la qualité picturale de l’animé, c’est une réussite totale. Ce dernier est adulé pour sa bande originale étant à elle seule un anachronisme délirant (l’histoire se déroulant dans le Japon féodale, le jazz et le hip-hop n’étaient pas forcément une évidence). L’accès aux bandes originales facilité par Internet couplé à un fort intérêt pour le Japon en ce début de siècle poussent Nujabes au devant de la scène, les fans se multiplient, pendant que notre homme, toujours d’une discrétion légendaire, prépare une véritable bombe.

Music is Mine

En 2005, l’album “Modal Soul” pointe le bout de son nez, album qui reste encore le pilier de sa carrière, pour une raison simple, nous atteignons là l’apogée de son travail. On sent que Nujabes ne se cherche plus, l’album n’a aucun temps mort, les transitions entre le hip-hop, le jazz et même la funk, se font sans accrocs. De Feather à Horizon, ce cher Jun nous fait voyager dans cet univers dont il est dorénavant totalement maître, dès lors, certains amateurs du genre iront jusqu’à le comparer à J Dilla (qui nous quittera l’année d’après) ou encore Pete Rock. L’accessibilité de l’album permet aux personnes peu familières du genre d’apprécier tout autant. La réussite est donc totale, mais paradoxalement, c’est à partir de là que Nujabes se fera encore plus discret.

NUJABES – L’ÉPOPÉE DU SAMURAI MUSICIEN

After Hanabi

Ainsi, la deuxième compilation d’Hydeout sortira deux ans plus tard et marquera l’arrivée d’Uyama Hiroto, deuxième pilier du label déjà apparu en featuring auparavant mais aussi d’Emancipator, jeune américain aujourd’hui bien connu pour ses morceaux à sonorités trip-hop. Nujabes reste bien entendu présent, mais on sent là un souhait de produire d’avantage pour d’autres. En 2008, il sort “Modal Soul Classics”, compilation surprenante puisqu’aucun morceau n’est issu de sa production, le but étant là de présenter ses inspirations, allant de Todd Rundgren à Specifics. Alors que les fans sont à l’affut du moindre nouveau son, le “désert” continue en 2009. Parmi les artistes similaires comme Michita ou DJ Okawari qui surfent sur “l’effet Nujabes”, seuls deux sons émergeront sur le web, à travers la compilation “Mellow Beats Friends & Lovers”. Après un rythme de publication frénétique de 2003 à 2005, ce silence surprend, mais tous continuent à espérer que ce calme laisse présager une magnifique tempête. La tempête arrivera bel et bien, mais pas de la façon dont on le prévoyait.

Mystline

18 Mars 2010. Alors que les fans se sont tournés vers d’autres horizons en gardant l’espoir d’un nouvel album, une très sobre note vient remplacer tout le contenu du site d’Hydeout. La note y évoque la mort de Jun Seba, alors âgé de 36 ans, suite à un accident de voiture sur la voie express de Shuto, près de Tokyo, le 26 février 2010. La nouvelle foudroie, on cherche à comprendre le pourquoi du comment, mais rien n’y fait, aucune information ne filtrera, probablement dû à une grande pudeur culturelle. Alors que les artistes du monde entier, dont certains s’étant lancés dans la musique grâce à Nujabes, lui rendent hommage, Hydeout promet que l’histoire de Nujabes ne s’arrête pas là, ses derniers travaux, pour la plupart inachevés, paraîtront dans les mois qui viendront. Après presque deux ans, un album hommage produit par ses amis, et même un reportage dont la sortie ne devrait plus tarder, la promesse est tenue, “Spiritual State” sort le 3 décembre.

NUJABES – L’ÉPOPÉE DU SAMURAI MUSICIEN

Spiritual State

Quid de ce dernier cadeau ? Et bien tout dépend de la manière dont on perçoit cet album. Si on le prend comme un dernier hommage à Nujabes, l’album est bon, il nous emporte dans une valse de mélancolie. Il joue en effet sur la corde sensible, entre autres grâce à la présence d’Uyama Hiroto, aujourd’hui à la tête d’Hydeout, qui s’est occupé de finir ce que Nujabes avait laissé derrière lui. C’est donc une majorité de mélodies lentes et les pleurs du saxophone d’Uyama qui nous bercent pendant la majorité du voyage. Les featurings avec les MC rencontrés auparavant sont là, mais encore une fois, le beat est lent, et on ressent une grande tristesse à l’écoute de ces sons. Mais était-ce vraiment là ce que l’on attendait du troisième album tant attendu de Nujabes après “Metaphorical Music” et “Modal Soul” qui étaient de véritables hymnes à la vie ? Rien n’est moins sûr.

Certes les fans y trouveront leur compte, car le simple fait de se dire que Nujabes a contribué ne serait-ce qu’un minimum à chacune de ces pistes est un plaisir. Mais l’album n’a définitivement pas le niveau des deux précédents, l’aspect hip-hop est d’ailleurs quelque peu relégué au second rang, privant l’album d’une accessibilité au plus grand nombre. Attention, “Spiritual State” n’est pas à jeter pour autant, bien au contraire, certaines tracks étant de véritables pépites, comme “Fellows“, excellent hommage au hip-hop des 90′s ou encore “Sky is Tumbling”, qui est sans nul doute un des meilleurs sons de Nujabes depuis le début de sa carrière.  “Yes” et “City Lights” laissent s’exprimer Pase Rock et son flow qui a fait et continue de faire des miracles aujourd’hui. Malheureusement l’album joue encore trop sur l’hommage. On aurait préféré ressentir Nujabes vivre une dernière fois à travers ses dernières oeuvres, et pas que l’on nous rappelle une fois de plus qu’il n’est plus des nôtres.

Si vous découvrez Nujabes à travers cet article et que son travail vous intéresse, commencez donc par les précédents opus suscités. Si vous êtes un adepte de son travail, laissez-vous tenter par Spiritual State, qui restera quoi que l’on dise, la dernière œuvre d’un homme aussi talentueux que discret. On ne l’oubliera pas de sitôt.

Rest in Beats, Jun Seba.


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