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Or blanc, sang rouge

Publié le 08 décembre 2011 par Fracturedenuit

Oh que non ! Ils ne renonceront pas à l’or blanc. Réchauffement climatique ou non.  Les Alpes durement affectées, pas de neige en novembre ? Qu’importe ! Un marketing intensif, des canons à neige, le développement de l’héliski, des domaines en haute altitude et le tour est joué. Enfin presque.

Les canons à neige ne peuvent fonctionner s’il ne gèle pas la nuit, les domaines skiables en haute altitude sont plus difficiles à «sécuriser» contre les risques d’avalanche. A Saas Fee (Liberez-vous des vacances sans soleil ni neige), à 2’900 mètres d’altitude, un enfant de six ans a été emporté hier par une avalanche, sur une piste de ski. Sa monitrice a pu être dégagée très rapidement, l’enfant au bout de 45 min. L’hélicoptère n’a pu être utilisé car «la  visibilité était très mauvaise » (Journal Le Matin, 8 déc.2011). L’enfant  est décédé aujourd’hui à l’hôpital.

En haute montagne, le risque d’avalanche est omniprésent, la visibilité souvent mauvaise. La maîtrise du risque est complexe, jamais totalement sous contrôle. Cette tragédie, est-ce le prix à payer pour le maintien de l’industrie des sports d’hiver ? Ceux qui la promeuvent connaissent ses risques, mais qu’en est-il de la clientèle ?

La clientèle est majoritairement urbaine, aisée, souvent étrangère. Le ski alpin est aujourd’hui un sport de luxe. Pour faire face à la pénurie de neige en moyenne montagne, on a investi dans les remontées mécaniques. De plus en plus de pistes, plus haut, des domaines skiables reliés entre eux. Maintenant, il faut rentabiliser ces coûteux investissement. Seule une minorité de Suisses a les moyens de skier. Les camps de ski à l’école se font rares.
Pour compenser la faiblesse de la clientèle locale et la cherté du franc suisse, de vastes campagnes de promotion sont organisées, de plus en plus loin, dans les marchés porteurs du tourisme suisse, en Russie par exemple. Skier en Suisse est prestigieux, un signe de richesse extérieur. Pas sûr cependant que beaucoup connaissent le prix réel de cette activité, ni les risques auxquels ils s’exposent.

Les morts par avalanche sont heureusement peu nombreuses. Les accidents sont par contre très fréquents et étonnamment bien acceptés par nos sociétés, si promptes à traquer l’explosion du coût des soins. En France, c’est en moyenne près d’un million  de journées d’arrêt de travail par an directement imputables aux accidents de ski  (Source : doctissimo.fr). Sur les 135’000 accidents recensés annuellement, la moitié sont des entorses du genou, dont la moitié sont des ruptures du ligament croisé.  Toujours selon doctissimo (ibidem) :

Loin d’être anodins, ces accidents ont des conséquences physiques et psychologiques importantes, qui nécessitent souvent une intervention chirurgicale et une longue période de rééducation. Ils entraînent une instabilité persistante du genou pouvant évoluer en arthrose, une interdiction de pratiquer certains sports et une appréhension latente de la résistance du genou.

On remarque également que les femmes paient un plus lourd tribut au ski alpin :

Les chiffres montrent que les femmes de plus de 25 ans sont plus particulièrement exposées, avec un risque trois fois supérieur à celui de l’homme. Quantitativement, on dénombre 2 femmes blessées pour un homme alors qu’au pied des pistes la répartition est de 35 % de femmes skieuses pour 65 % d’hommes. Selon l’INPES (Institut National -français- de Prévention et d’Education pour la Santé), ces chiffres s’expliqueraient par :

  • Des raisons anatomiques : la forme du genou en X et l’hyper laxité ligamentaire plus fréquente chez la femme sont des facteurs de risques connus ;
  • Des raisons liées à la condition physique : moins sportives que les hommes en général, elles ont une protection musculaire de leurs genoux moins efficace. (doctissimo.fr, ibidem).

Logiquement, doctissimo recommande aux futurs skieurs de s’astreindre préalablement à un entraînement physique plusieurs semaines avant le départ,(L’inpes recommande carrément deux mois), de manière à renforcer la musculature et limiter ainsi les effets négatifs d’une chute ou d’un faux mouvement. Les remontées mécaniques permettent à tout un chacun de se retrouver au sommet de pistes très pentues, mais les corps, eux, ne se transforment pas magiquement. L’argent peut beaucoup, mais pas tout. Moins on est en forme, plus le ski est dangereux.

Ces réalités-là ne sont pas cachées, elles ne sont pas mises en lumière non plus. On cherche à remplir les stations le plus possible.  Les non-sportifs forment une clientèle potentielle importante.  L’entretien mécanique des pistes et leur nivellement «permettent à des skieurs de niveau modeste de skier à des vitesses qu’ils maîtrisent souvent mal» (Source : inpes).  C’est dit tout en douceur.
On pourrait affirmer de manière plus polémique que les stations promeuvent le ski fun, la glisse, le sport plaisir, l’éclat’ , qu’elles offrent effectivement à l’ensemble de leur clientèle le type d’expérience promise, que la conséquence en est d’innombrables accidents…. dont elles sont au minimum co-responsables.

Oh que non ! Ils ne renonceront pas à l’or blanc.



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