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Vide-grenier

Publié le 13 septembre 2011 par Fracturedenuit

Sentiments mitigés au vide-grenier devant des stands d’objets disparates, abîmés, vieillis, souvent inutiles, mis en vente dans l’espoir que ces presque déchets redeviennent des marchandises.
Le terrain est boueux, il fait gris, j’ai le cœur maussade, bientôt triste. Je peine à saisir la réalité qui m’entoure.  Mon humeur morose respire-t-elle l’atmosphère ambiante ou n’est-ce qu’un enième vague à l’âme ?

Il manque à ce vide-grenier la vivacité des marchés de campagne. Les vendeurs sont calmes, en retrait. Ils semblent indifférents au résultat de leur activité.  Ils se sont aménagés un un espace à peu près sec , ils discutent entre amis, souvent en famille. Qu’est-ce qui les amène à passer tout un après-midi pluvieux dans un champs ? Le goût de l’échange ou la nécessité de grapiller coûte que coûte quelques euros ? Est-ce que la galère des uns peut devenir le loisir des autres ?

Chez nous, les objets sont programmés pour durer peu. Le temps d’une mode, d’un caprice, d’une saison, d’une promotion, d’un buzz. Leur obsolescence est planifiée.  Proposer à la vente des objets sans valeur autre qu’un hypothétique usage, c’est une farce sarcastique, un manquement aux règles marchandes actuelles.
Les acheteurs se trouvent pour une fois à devoir inventer leur désir, à chercher une manière personnelle de se réapproprier un objet, de lui réinjecter du sens pour soi. ll y a de quoi déployer des trésors d’imagination. Sans doute s’invente-t-on des velléités de recyclage,  de créations incongrues.  La ballade est aussi un bain de nostalgie, les objets sont contemporains de notre enfance,  de la jeunesse de notre mère. Ils ont été produits en masse, alors on les connaît tous déjà un peu, ils nous ont déjà appartenu.
Les vendeurs n’avaient pas grand chose dans leur grenier. Aucune antiquité digne de rejoindre une vénérable brocante. Eux aussi inventent. Refusent de jeter  leur bardas, refusent de donner “aux bonnes oeuvres”. Fixent des prix bas, selon une échelle fantaisiste où une Bd peut valoir une paire de talons et la moitié d’une encyclopédie. Cessent pour une fois d’être des consommateurs pour devenir acteurs. Cette liberté là est une denrée précieuse.


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