Le trait d’esprit masquait une perplexité profonde, et plus répandue qu’on le croit, quant à l’opportunité d’investir des milliards de francs dans notre « parapluie aérien » et ce, en évitant bien de consulter la population que celui-ci est censé protéger.
Entendons-nous : j’adore les avions. Je ne suis pas peu fier d’avoir un peu prêté ma patte au Sion Air Show. Où j’ai pu contempler bouche bée, comme tous les gosses présents, le ballet prénuptial des trois chasseurs qui prétendaient ravir le cœur — et la bourse — de l’opulente Helvétie. Je n’émergeais de l’hypnose collective que pour de brefs instants, lorsque le tonnerre de ces monstres de combat me vrillait l’échine, faisant passer le rugissement de nos vieux tigres pour un aimable ronron, et que je m’imaginais l’emprise nouvelle que l’univers militaire étendrait sur nos consciences une fois que ces engins entreraient en service régulier.Entendons-nous encore : je ne suis pas un pacifiste bêlant. J’ai été l’éditeur et l’ami d’un grand stratège du XXe siècle, le général Pierre-Marie Gallois, concepteur de la dissuasion nucléaire, inventeur du légendaire « Mirage ». Ce visionnaire pensait déjà aux drones et aux missiles intelligents à l’époque où les Suisses se ruinaient pour des bombardiers de l’aéronavale américaine homologués pour délivrer des charges nucléaires. Il ne comprenait pas qu’une nation si économe pût s’acheter des jouets aussi incongrus. Que dirait-il aujourd’hui ?
Contre le « terrorisme international » des barbus à cutters et à semelles explosives ? Un ancien ponte aérien invoque de manière cocasse, à l’appui de ces investissements, l’exemple du Onze-Septembre. Ce fameux jour où les intercepteurs les plus sophistiqués, justement, n’auront servi à rien ! Autre argument, mon général ?
Pour assurer la sécurité du trafic aérien et des grands raouts mondialistes ? Que l’on commence par étendre l’horaire de veille de la garde aérienne existante au-delà des heures de bureau. A moins que l’on veuille foudroyer les ennemis potentiels par des crises… de fou rire !
Blague à part : la situation politique si particulière de la Suisse mériterait une réflexion plus originale que celle consistant à imiter ses gros voisins en faillite.Le Nouvelliste, 12 décembre 2012.