Une personne m’a contactée, il y a quelques temps, pour me proposer une collaboration. Une collaboration, ça peut être bien, n’est-ce pas ? Sauf que j’ai un peu hallucinée en découvrant le contenu du mail.
D’abord, on m’appelle madame (ok, bon, je prends dix ans d’un coup quand on fait ça, spa grave faut que je m’y fasse, paraît que Mlle c’est passé de mode), ensuite la personne me parle de ses idées pour un roman (très vague d’ailleurs : horreur et humour, on fait pas plus concis) et me dit qu’il en a plein (toujours très vague, ça).
Pourquoi pas, hein ? Qu’il vienne me parler de ses projets, c’est bien, je suis la première à encourager les futurs écrivains ! Mais là, on me demande pas mon avis sur un texte, naaaaan, alors je continue en me demandant bien où veut en venir ce jeune homme (voyez, moi, je suis sympa, je le pense jeune, huhu)
C’est là qu’il me parle de son envie d’écrire un roman (très bien, comme un tiers des français, jeune homme) mais que comme il fait des études en ce moment, et qu’après il risque de bosser dur (tant mieux pour lui, le boulot c’est pas toujours évident à trouver de nos jours), il n’aura pas le temps de parvenir à son projet tout seul. Heum… Ouais, comme pratiquement le tiers des français, le même que cité plus haut et qui veulent écrire un livre, mais qui ne passent jamais à l’action.
D’où sa proposition de collaboration : comme j’aime mélanger humour et horreur, voilà il a pensé à moi ! (Flatteur !)
Il a pensé à moi pour quoi exactement, ça je n’en sais rien, j’ai pas compris si je devais jouer les pompoms girls (m’étonnerait, vu qu’il a l’air overbooké) ou l’aider à écrire (pourquoi pas à la limite) ou juste jouer les nègres pardon les écrivains de couleur et écrire ses idées à sa place.
A aucun moment il n’évoque un arrangement financier ni ne demande de tarifs (du coup, je pourrais bâcler un truc en 3 jours et lui vendre au prix fort ! Mouhahahaha !), parce que moi, écrivain c’est mon métier (ouais, même si l’Insee fait des siennes et a perdu un papier j’ai jamais eu de bol avec l’administration). Je fais pas ça gratos, surtout que je suis la première à dire qu’on peut en vivre, si on y mets la volonté et les moyens ! (et qu’on est patient… allez mon indépendance financière, je l’aurais un jour, je l’aurais !)
Alors voilà ce que j’aimerais répondre :
Des idées, j’en ai plein moi aussi, j’ai déjà pas le temps de toutes les écrire alors, écrire celles des autres, ça risque pas. En gros dans mon carnet, je dois avoir 10 romans avec plans/personnages, 10 avec un sujet déjà défini et 10 avec de vagues idées qui ne demandent qu’à être développées. Sans compter les impromptus que je sors sur un coup de tête comme ça au débotté. Disons que rien qu’avec mon carnet, j’en ai pour dix ans de boulot. Sauf que les idées, elles, continuent d’arriver… le temps n’est pas une donnée extensible malheureusement.
En ce qui concerne l’humour, ça me permet de me détendre : en gros je bosse sérieusement sur des romans sérieux, c’est ce qui me tient le plus à coeur, les romans sérieux. A côté de ça, je ponds de temps à autre des textes plus joyeux et humoristiques. Parce qu’il faut bien se détendre (entre les adultères, les suicides, les maladies, les fous et les amours qui finissent en eau de boudin, ça fait pas de mal de rire un peu) et aussi parce que ça se vend bien mieux que mes romans sérieux (là t’as bien choisi ton créneau : l’humour et l’horreur)
Ensuite, une collaboration de ce type pourrait m’intéresser à plusieurs conditions : soit on me paye pour le temps passé dessus (ça va douiller mon gars, même si tu me payes au smic horaire), soit on me paye au pourcentage sur la vente (mais je dois être sûre que ça se vendra suffisamment pour rentabiliser l’investissement de temps, soyons logique si c’est pas un éditeur qui me le propose, je refuserai net – je connais les niveaux de vente en auto-édition et si tu espères vendre le bouquin à un éditeur a posteriori, tu es un doux rêveur), soit tu es un auteur que j’apprécie beaucoup et là, c’est un plaisir juste pour le plaisir je m’en fiche à la limite d’être payée (là, c’est entrer dans une catégorie très restreinte que j’estimerais à deux ou trois personnes ! M’étonnerait que tu en fasses partie)
Alors, c’est pas que je n’ai pas envie de bosser avec toi, mais voilà, écrire un roman ça prend du temps et être écrivain, c’est un métier, mal payé certes, mais qui implique de bosser à plein temps sur ses textes.
Si tu veux vraiment écrire un bouquin, consacres-y toi et mets-y les moyens (temps et sacrifices financiers). Avoir des idées ça ne suffit pas, on en a tous, ce qui fait la différence, c’est le temps qu’on y consacre. Je suis un cas à part, je bosse à plein temps sur mes écrits. La plupart des gens que je connais et qui écrivent font ça sur leur temps libre : ils se lèvent plus tôt, se couchent plus tard, sacrifient des samedis après-midi, des dimanches entiers à l’écriture. Bref, ils se débrouillent.Après si t’as les moyens de te payer un
nègreécrivain de couleur, pourquoi pas ? J’avais estimé le coût d’un roman à 4000€ au smic horaire, je peux peut-être te faire une réduction (si tu te contentes d’un premier jet et tu t’occupes de la correction définitive par exemple), voilà tu es prévenu. Evidemment, ça c’est le texte brut, sans formatage pour ebooks ou impression. Je ne suis pas mesquine mais si je dois reporter mes autres projets, il faut que je sois payée correctement.
Voilà ce que j’aimerai lui répondre. Mais c’est un peu agressif, je trouve…