L'avent: - L'attente - par Vaclav Havel

Publié le 18 décembre 2011 par Perceval

De quel avent, témoignons nous ? S’agit-il d’une attente d’un « Godot » imaginaire , d’une attente que personne , n’y rien n’habite… Sans espoir ?

Ou d’une attente, vivante parce que portée par une expérience, elle –même signe de Vérité.

Ainsi, humainement, en est-il - de l’espérance pour une société plus juste, plus fraternelle – parce que portée par la vérité des «  droits de l’homme »…

Cette réflexion s’est amorcée en moi, à la lecture d’un texte de Václav Havel, en 1992, qui partagea ces mots sur « l’attente », dans un discours. Son propos concernait la dissidence dans l’espace communiste…

«  Il y a plusieurs manières d'attendre.

«  En attendant Godot », en tant qu'incarnation de la rédemption ou du salut universels, se situe à une extrémité de la large palette qui recouvre les différentes formes d'attente.

( …) dans l'espace communiste (…) les individus perdirent tout espoir de trouver une issue, la volonté d'agir et même le sentiment de pouvoir agir. Bref, ils perdirent l'espoir. Et pourtant ils ne perdirent pas le besoin d'espérance, ils ne pouvaient même pas le perdre car sans espoir la vie se vide de son sens. C'est pourquoi ils attendaient Godot. Faute de porter l'espérance en leur sein, ils l'attendaient de la part d'un vague salut venant de l'extérieur. Mais Godot — celui qui est attendu — ne vient jamais, simplement parce qu'il n'existe pas. Il n'est qu'un substitut d'espérance. Produit de notre impuissance, il n'est pas un espoir mais une illusion. Un bout de chiffon servant à rapiécer une âme déchirée, mais un chiffon lui-même percé de trous. L'espérance d'individus sans espoir.

A l'autre bout de la palette, une autre sorte d'attente : l'attente en tant que patience. Une attente animée par la croyance que résister en disant la vérité est une question de principe, tout simplement parce qu'on doit le faire, sans calculer si demain ou jamais, cet engagement donnera ses fruits ou sera vain. Une attente forte de cette conviction qu'il ne faut pas se soucier de savoir si, un jour, la vérité rebelle sera valorisée, si elle triomphera, ou si, au contraire, comme tant de fois déjà, elle sera étouffée. Redire la vérité a un sens en soi, ne serait-ce que celui d'une brèche dans le règne du mensonge généralisé. Et aussi, mais en deuxième lieu seulement, une attente inspirée par la conviction que la graine semée prendra ainsi racine et germera un jour. Nul ne sait quand. Un jour. Pour d'autres générations peut-être. Cette attitude que, pour simplifier, nous appellerons dissidence supposait et cultivait la patience. Elle nous a appris à être patients. Elle nous a appris à attendre; l'attente en tant que patience. L'attente comme un état d'espérance et non comme une expression de désespoir. On pourrait dire qu'attendre Godot est dénué de sens, c'est se mentir à soi-même et c'est donc une perte de temps, alors que cet autre mode d'attendre en a un. Non plus un doux mensonge, mais une vie amère dans la vérité qui ne fait plus perdre le temps mais l'accomplit. Attendre la germination de la graine qui, par principe, est bonne, c'est autre chose qu'« attendre Godot ». Attendre Godot signifie attendre la floraison d'un lys que nous n'avons jamais planté. »