Elle a poursuivi avec la commode, le lit et la baignoire. Chaque élément de la chambre a confessé ses souvenirs et a pris vie. Puis Milena a tourné la caméra vers moi :
- Maintenant, parle de moi.
- A vif ?
- Oui. Dis ce que tu sais de moi.
- Même si ça ne te fait pas plaisir ?
- Surtout. Ose.
- Ok, tu l’auras voulu. D’abord, tu es froide. Tu ne ressens rien. C’est pour cela que tu es devenue comédienne pour « être ». Tu existes mais tu n’es pas. Comme le Père Noël. Tu te meus dans l’imaginaire. Par contre, quand il s’agit d’être tout simplement, comme une plante verte qui se contente d’avaler son air, de recracher sa chlorophylle et de gésir dans son pot, tu ne peux pas. C’est trop simple.
- C’est vrai.
- Tu ne pleures pas aux films sentimentaux. Tu n’aimes pas les lectures sirupeuses et les histoires d’amour. Pour une fille, c’est assez étonnant. Il n’y a qu’une chose susceptible de t’arracher les larmes, c’est le conflit israélo-palestinien. Pourtant tu n’es juive ni arabe. Mais tu en pleures des pierres. Tu pleures encore plus pour les Palestiniens. Tu as un problème avec le géopolitique.
- Non, il n’y a pas que ça. Il y a une autre chose qui me fasse pleurer. Un agenda inachevé. Parsemé de rendez-vous et d’écriture fine. Qui s’arrête soudain parce que la personne n’est plus.
- Tu as une dimension hitchockienne. Tu appelles au meurtre sous ton apparence lisse et tes ongles manucurées. Peut-être parce que le conflit n’existe pas pour toi. Même celui éternel du sexe et de l’amour. Quand tu as envie, tu le fais, c’est tout.