22 décembre 1968…

Publié le 20 décembre 2011 par Lawrence Desrosiers
Au 2806 rue Saint-Denis, à Montréal, le temps est au ralenti. C’est le début de l’hiver, il reste trois jours avant Noël.
Nous sommes deux jeunes étudiants en art, loin de leur pays, la Gaspésie. J’avais 16 ans et pour la première fois de ma vie, j’étais loin de chez moi. Mon coloc était Jacques Bouffard. Pour nous, Matanais pure laine, Montréal, c’était un ailleurs lointain.
L’appartement est morne et triste; un endroit où nous sommes obligés de vivre pour une période de temps défini. Pas de décor, mis à part quelques-unes de nos œuvres scotchées au mur.
La soirée est froide. Nous écoutons du Félix Leclerc. Je me souviens avec précisions de la chanson qui joue et rejoue inlassablement, sur le tourne-disque : Noces d’or. Une composition de Jean-Pierre Ferland, interprétée par Félix. Une douce valse, qui nous berce tendrement, qui nous tire l’ennui du cœur, qui nous donne le goût d’être avec les nôtres.
Pour nous rapprocher de chez nous, Jacques a une idée merveilleuse.
Il ouvre la porte arrière de l’appartement, celle qui donne sur la ruelle, où trône un orme énorme, le roi de la petite cour. Il me demande de fermer toutes les lumières de l’appartement et d’ouvrir la porte qui donne accès à la fournaise à gaz. Une flamme azur s’en dégage; le foyer des pauvres. Nous déplaçons ensuite les berçantes entre la fournaise et la porte béante donnant sur la ruelle.
Abriés de couverture, nous accompagnons les chants de Félix; la buée qui sort de nos bouches porte sa douce poésie vers nos amours.
Lo x (Ce texte a été publié dans ce blogue pour la première fois le 22 décembre 2007)