Il existe beaucoup de mythe de l’écrivain (du maudit à l’inspiré, en passant par le dépressif qui ne vit que pour l’écriture)
Aujourd’hui, j’aimerai casser le mythe de l’écrivain qui est ses écrits, qui vit ses écrits, qui comparent toutes les conneries qu’il écrit à sa propre vie, son propre ressenti, bref, le mythe de « Mes romans, c’est mâââ vie, c’est tout môa ! » (croah croah dirait la grenouille, amie du boeuf)
Pourquoi un tel mythe ? Je l’ignore, mais honnêtement, je ne comprends pas les gens qui « vivent passionnément par l’écriture », qui ne pense qu’à ça depuis leurs 7 ans et qui sont très malheureux quand ils n’écrivent pas.
Oui, je suis malheureuse quand je n’écris pas, mais ce n’est pas parce que je n’écris pas, c’est parce que je ne peux pas pour des raisons matérielles ou morales trouver le temps et le calme pour écrire. Ca n’a rien à voir avec l’écriture.
Non, je ne pense pas à devenir un écrivain depuis que je suis gamine. Heureusement, ça me permet d’avoir une vision réaliste de la chose : le boulot qui est demandé, la lucidité des choix que je dois faire, la réalité matériel d’être écrivain.
Non, je ne vis pas « passionnément » par l’écriture, je vis pour la création (et encore c’est réducteur : je ne vis pas POUR ça, j’ai quand même d’autres objectifs dans la vie). L’écriture est un pis à lait parce que je ne peux pas pratiquer d’autres arts aussi facilement.
Tout cela bien sûr, n’est qu’une opinion personnelle.
Par contre, je pense que certains aiment jouer sur ce mythe, ça leur donne l’aura d’un grand écrivain. Enfin, l’aura… quand je lis des descriptions comme celle-ci (description modifiée pour ne pas la retrouver sur internet, de toute façon, elle pourrait convenir à pas mal d’auteurs amateurs, je pense) :
J’écris des textes qui me ressemblent, remplis de nonchalance. Bienvenue dans mon univers poétique et onirique.
Donc, quand je lis des descriptions pareilles, j’ai envie de me marrer, mais la plupart du temps, je soupire. C’est tellement commun, l’idée que les écrits sont l’image de soi, et décrire cette image avec des adjectifs qui vous placent un peu hors du temps, comme un être rêvé… ça me gonfle. Qu’une autre personne que l’auteur dise de lui qu’il est « ce mythe » d’accord. Mais que l’auteur lui-même se définisse avec si peu de modestie, c’est exaspérant. Surtout quand il n’est pas un mythe justement !
Venons-en au mythe des textes assimilés à la vie de l’auteur. Il est une mode en ce moment qui est à l’autobiographie (inintéressante ou déguisée sous le terme de « roman » qui prouve parfois un manque d’imagination) ou encore à l’autofiction (qui présente l’auteur comme héros des aventures qu’il vit, mais sont bel et bien fictives). Le lecteur assimile donc facilement l’auteur au narrateur, et le narrateur à ce qu’il décrit. Le fait est, en plus, que plusieurs cas ont dernièrement fait parlé d’eux parce que des gens s’étaient reconnus dans des textes (ou que des correspondances privées étaient reproduites sans accord), bref, la frontière entre la fiction des textes et la réalité de la vie de l’auteur est bien malmenée dans l’esprit des lecteurs et souvent des auteurs eux-même.
Une confusion mentale qui n’est pas très saine, surtout quand certains (je l’ai entendu) affirment que pour transcrire la réalité, il faut l’avoir vécu. Et donc obligatoirement coller des éléments historiques réels dans le récit.
C’est un tord : l’avoir vécu ne signifie pas en avoir été le héros réel. L’avoir vécu, pour moi en tout cas, signifie s’être mis à la place du personnage, avoir ressenti ce qu’il a ressenti et avoir réagi comme il a réagi. Pas besoin de coller un ex patron dans l’histoire ou noircir les traits de la nouvelle femme de son grand amour pour faire du vrai. Je dirais même qu’écrire pour se venger, ça n’apporte rien de bon à part une mauvaise réputation.
Bref, on mets toujours de soi dans les écrits : ses idées, sa manière de penser, ses tournures d’esprits et de phrases. Ce n’est jamais neutre. Mais oubliez le mythe de l’écrivain qui est ses textes, et des romans qui sont l’écrivain. Surtout si vous êtes écrivains, je dirais. Ca vous évitera de vous tourner en ridicule quand on vous demandera de fournir une bio et que vous direz : « Depuis toujours, j’écris mon journal intime avec sincérité et talent. J’ai fini par utiliser ma sensibilité naturellement à fleur de peau pour transmettre un message d’amour et de paix, de tolérance et d’égalité à mes lecteurs. Je déteste la violence. »
En plus, user du mythe de l’écrivain qui ne peut pas écrire autre chose que ses propres sentiments exacerbés ne peut que vous jouer des tours. Si vous écrivez un truc un peu osé, votre famille vous considérera d’un autre oeil, voire vous en voudra à mort. « Dis Charles, à ta dernière interview t’as dit que tu puisais dans ta vie les éléments de tes contes. Tu n’avais pas le droit de me décrire en méchante belle-mère narcissique qui veut faire tuer Blanche Neige ! Je ne suis pas comme ça dans la vie ! »