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Bouillon de poulet aux nouvelles

Publié le 03 mars 2008 par Steveproulx

Poulet Le portail Internet Yahoo! Québec m'a invité l'autre jour à poser une question au public.

Saisissant l'occasion de jeter des ponts entre ces deux continents que sont les "médias" et la "masse", j'y suis allé franchement: "Selon vous, quels sujets sont négligés par les médias?"

102 personnes ont répondu.

Sans prétendre à aucune valeur scientifique, ce petit sondage a tout de même donné d'intéressantes réactions.

Charles souhaiterait un reportage sur le phénomène du mobbing (le harcèlement de personnes par un groupe). Un certain Eldorado aimerait que les médias s'intéressent davantage aux courses de motos et Claudie voudrait entendre parler des "femmes célibataires, vu le manque d'hommes disponibles".

Bien sûr, de valeureux soldats du Grand Complot ont déploré le silence des médias à propos des ovnis, des francs-maçons, des Illuminati, des chemtrails (mystérieuses traînées de fumée dans le ciel) et de la société secrète Skull and Bones (qui compte le fils et le père Bush parmi ses membres honoraires).

Bon.

Au-delà de ces sujets bien précis, j'ai toutefois relevé une tendance lourde: près du tiers des répondants trouvent que les médias ne couvrent pas suffisamment les bonnes nouvelles.

"Ce qu'on appelle l'actualité devient un ramassis de scandales et de drames, écrit Stéphane. Si on en vient à croire que tout ce qui est vrai est mauvais, on est condamné à placer nos espérances dans l'utopie."

"On veut plus d'Amélie Poulain, de belles images, d'espoir", renchérit Lucie.

En vrac, on souhaite des topos sur les couples heureux, les réussites, la recette du bonheur et sur des gens ordinaires qui aiment la vie.

On prend des notes.

Visiblement, plusieurs de mes contemporains sont en manque de bouillon de poulet pour l'âme.

Or, malgré tous les bons sentiments qui animent ceux qui voudraient plus de rose bonbon au Téléjournal, l'affaire est que ce sont les mauvaises nouvelles qui poussent le public à s'informer.

Je m'explique.

En septembre dernier, le Pew Research Center for the People and the Press publiait les résultats d'une vaste étude sur les préférences du public américain en matière d'information, de 1986 à 2007. Une synthèse de 165 sondages menés depuis deux décennies à travers le pays. Du sérieux.

Premier constat: les goûts du public sont étonnamment stables.

Les consommateurs d'information suivent avec le plus d'attention les nouvelles concernant les catastrophes (d'origine humaine ou naturelle), l'argent (surtout le prix de l'essence), les guerres, le terrorisme et la violence en général.

Voilà les super-catégories de mauvaises nouvelles qui ont le plus captivé les Américains au cours des 20 dernières années.

Est-ce parce que les médias se drapent dans les drames que le public se voit contraint de s'y intéresser? Pas sûr.

Considérons un deuxième constat de cette étude: le pourcentage des Américains qui disent suivre de "très près" l'actualité est passé de 30 % dans les années 80 à 23 % dans les années 90, pour enfin remonter à 30 % au cours de la décennie 2000.

Pourquoi ce creux dans les années 90? L'auteur de l'étude, Michael Robinson, soutient qu'il est dû au calme relatif de cette décennie. En revanche, la population s'est remise à s'informer plus intensément depuis 2001; avec le 11 septembre, l'économie américaine mal portante, la guerre en Irak, etc.

D'où cette conclusion: les gens lisent moins les journaux et regardent moins les nouvelles lorsque tout va bien. Par contre, lorsqu'ils sentent que leur sécurité est menacée, que la boule est sur le point de péter, c'est du côté des médias qu'ils se tournent pour trouver des réponses à leurs inquiétudes.

Voilà pourquoi on a l'impression que les médias ne colportent que des mauvaises nouvelles.

C'est que les bonnes nouvelles, peu de gens y prêtent vraiment attention.

© Steve Proulx 2008 | Article original paru dans Voir, 28 février 2008


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