La
revue Pravoslavie i Mir propose l’interview
(disponible
au format epub) donnée récemment à une moniale russe par l'higoumène
Pierre Mescherinov (Петр Мещеринов). Il s'y exprime de façon très libre
(je dirais même très audacieuse) sur la situation du monachisme en Russie
aujourd'hui. Lui-même est devenu moine au monastère Saint-Daniel de Moscou il y
a une vingtaine d'années et est responsable d'un des podvorie de ce
monastère (à Dolmatovo). Très enthousiasmé par le renouveau monastique de
la fin des années 1980, il pensait d’abord intégrer le monastère d’Optino, mais
ne regrette pas d’avoir fait un autre choix.
Il faudrait certainement traduire intégralement l'interview, mais je manque de
courage (et de temps). J’en ai cependant extrait quelques citations qui m’ont
particulièrement frappé. Le contexte manquera, mais cela donnera tout de même
une idée.
Père Pierre considère que les monastères sont passés par une phase de grand
enthousiasme et de renouveau extérieur au début des années 1990, mais la
tradition monastique et spirituelle ayant été perdue pendant l’ère soviétique,
les traditions anciennes du monachisme ont été réinterprétées (ou déformées) à
l’ère nouvelle en raison de l’absence de pères spirituels.
— Les monastères ne remplissent pas aujourd’hui leur fonction pédagogique et
spirituelle.
— Les monastères se sont transformés en «combinat» de services rituels pour
le peuple de Dieu.
A propos de la pratique de certaines abbesses qui assistent aux confessions
ou demandent aux prêtres de leur faire un compte-rendu des confessions de leurs
moniales, et sur la nécessité ou non d’établir une règle pour tous les
monastères :
— Il faut clairement indiquer dans la règle : Pas de divulgation des pensées
(pratique monastique consistant à passer quotidiennement en revue ses pensées
devant le père (ou la mère) spirituelle).
— L’higoumène doit être simplement une personne normale, convenable et honnête
sur le plan moral. Et alors il sera possible d’y greffer le christianisme puis
le monachisme.
— Malheureusement, la particularité la plus triste de nos monastères réside
dans le fait qu’ici personne n’aide jamais personne en rien. Tu es seul.
— Celui qui humilie (en fait, néologisme russe pour : «celui qui éprouve
l’humilité de quelqu’un») doit prendre conscience que la pratique de
l’humiliation (en fait : de «éprouver l’humilité») n’a aucun rapport avec le
christianisme.
— Il faut comprendre que dans les vœux monastiques, il n’y a aucune force
magique, personne ne te lie — tu n’entres pas dans le servage.
A propos des «congés» des moines :
— dans le monachisme contemporain, il est nécessaire de permettre les sorties
du monastère (pour se soigner ou se «destresser»).
Une expérience bien peu réjouissante. Et en conclusion, à la question
— Recommandez-vous à vos enfants spirituels d’aller au monastère ?
le Père Pierre, qui est très actif parmi la jeunesse, répond
— Non, de façon catégorique, aujourd’hui je ne recommande à personne d’aller au
monastère.
Cela dit, on retrouvera les mêmes arguments dans la réponse faite
par le P. Serge Rybko à une jeune fille désirant fuir sa famille pour entrer au
couvent, où il précise qu'un des grands problèmes du monachisme d'aujourd'hui
est l'absence totale de direction spirituelle («В числе их, например, полное
отсутствие духовного руководства в современных монастырях»).s
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etc.)