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La voix de mon père (II)

Publié le 30 décembre 2011 par Nicolas Esse @nicolasesse

A Signèse on voyait la famille tous les jours.

Pierre travaillait à Chippis, il partait le matin à cinq heures et il chantait déjà. Il buvait de bonne heure… C’était lui qui chantait le plus dans le village. Les autres travaillaient un peu à l’alpage, au bisse, dans les vignes pour des métraux. C’était au début des années trente, ici au village, en trente-deux, j’avais huit ans. Les hommes se rencontraient en semaine vers un raccard, du côté de la maison des Fardel. Dans le passage entre la maison et le raccard, ils jouaient au palet des journées entières. Ils jouaient par équipes de quatre. L’équipe qui avait perdu amenait un litre de piquette. Les hommes n’avaient rien à faire, pas de travail. Je me souviens qu’ils jouaient, ils se saoulaient et ensuite, ils se battaient. A ce moment-là, grand-maman Eugénie arrivait avec son bâton (en patois) et leur mettait une branlée, ils partaient tous au galop. Pour survivre, ils cultivaient leur jardin, des pommes de terre, des choux, des haricots, ils vivaient un peu en autarcie.

Il était hors de question d’aller au magasin. Peut-être juste pour deux ou trois choses. Par exemple, on achetait le sel chez Innocente. Il n’y avait pas d’emballage. On venait avec un grand mouchoir et on prenait une mesure pesée sur la balance. Pour le pain, on n’avait pas de four. On recevait du pain de ceux de François Morard qui avaient un four banal. Ensuite, Julien s’est mis à faire le pain pour le village de Signèse. La farine venait d’un moulin à Botyre. Pour la viande, on avait tout ce qu’il fallait au galetas. Par contre, il fallait acheter les habits.

Je me souviens, j’ai eu une épine qui m’est rentrée dans le petit doigt qui s’est mis à enfler. Nous sommes descendus à pied à Sion chez le docteur Germanier qui m’a ouvert le doigt, il a sorti l’épine et mis un pansement. Maman a vu que j’ai été courageux, alors, elle m’a acheté une paire de culottes. Quand on est arrivés à la sortie de Sion, vers le collège Don Bosco, on s’est assis à l’ombre sous les pommiers et elle m’a offert des petits pains, je crois bien que c’était des petits pains au chocolat, ce qui m’a réconforté.



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