Il avait le temps. Du temps à tuer.
Mais j’ai compris qu’il n’aurait pas assez de temps pour moi.
Il était plongé dans ses pensées. Peut-être attendait-il quelqu’un. Je m’en foutais, car je n’avais pas le temps, j’étais assez pressée même.
Je suis partie presqu’en courant. Je courais vers mon rendez-vous, mais j’ai eu la vague impression, après coup, qu’il m’avait fait fuir.
J’ai donc couru sur le fil de ma vie. Couru, couru, couru. Sans jamais prendre le temps de voler du temps à quelqu’un qui en aurait à revendre mais qui ne m’en offrait pas.
Je sais qu’il a continué son bonhomme de chemin. J’ai appris des années plus tard qu’il était mort au bord d’une route.
J’ai trouvé ça bizarre. J’ai trouvé ça dommage. Je crois même que j’ai trouvé ça triste.
Hier, je me suis arrêtée devant le petit café où je l’avais croisé pour la dernière fois.
Je me suis arrêtée, j’avais un peu de temps à tuer.
J’ai beaucoup pensé à notre vieille amitié. Ça m’a pris la tête et tout l’après-midi.
J’ai croisé une vieille copine, un peu pressée, qui s’est arrêtée pour me saluer. Mais elle est bien vite partie et je dois avouer que, absorbée par mes souvenirs et mes pensées, je ne l’ai pas retenue.
Je me suis demandé ce que l’on ferait si l’on savait que c’est la dernière fois que l’on croise quelqu’un.
Et puis, j’ai trouvé ma question stupide, car je sais qu’on ne ferait rien de plus. J’ai songé que c’est en quelque sorte un privilège de ne pas avoir le temps pour boire un café. Que c’était comme une promesse d’avoir le temps la prochaine fois.
Puis j’ai continué mon petit bonhomme de chemin.