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Etat chronique de poésie 1421

Publié le 04 janvier 2012 par Xavierlaine081

Etat chronique de poésie 1421

1421

Aux lèvres d’étoiles ai bu l’alcool fort de l’insoumission.

Que dire au jour qui s’en vient ? Que j’ai dormi du sommeil du juste, sans aucun trouble devant l’épidémie de misère ?

Quelle marche saurais-je encore afficher si de mes deux mains je ne tentais d’affranchir quelque prisonnier de ce temps de la peine qui l’accable ?

Bien sûr les chants d’oiseaux, bien sûr cette belle planète bleue brillant dans le noir d’un univers sans fin. Bien sûr la beauté des amours qui se font et se défont, des mains qui se frôlent dans le noir, des voluptés discrètes dispensées en alcôves bien cachées. Bien sûr…

Mais quel regard soutenir lorsque tant de mains se tendent au mitan de foules indifférentes, dans l’opulence de marchés inaccessibles ?

Toujours plus de richesse étalée au grand jour, toujours plus qui ne peuvent que voir et surtout pas toucher, et l’ouverture obligatoire des cabas aux entrées et sorties de ces temples ultramodernes garnis de portiques espions des fois que…

Me voilà donc heureux d’échapper à ces furieux appâts tendus en monnaies sonnantes et trébuchantes aux entrées hideuses de ville sans humanité.

Les collines et les nuées rient de cette vanité. Le fleuve un peu plus loin, en fin connaisseur de sa force, regarde avec compassion cette agitation sur ses rives : il sait que d’une bouchée, tout ne serait plus que désolation. Et il se retient le bougre. Il se retient encore.

Mes pas vont à nouveau décrire les mêmes itinéraires : de la maison à l’école, de l’école au café, du café au travail, puis reviendront affamés par les sentiers du parc, où se cachent derrière les buissons l’éternelle compagnie des soulographes locaux. A la dixième bière goulûment avalée, leurs langues se délient, et seules leurs voix viennent, par delà leur cachette, vitupérant sur leur femme, leur patron, et ce monde qui les broie. Auraient-ils tout à fait tort ?

Ma bouillie de mot aux lèvres, j’arpente en solitaire ma trajectoire anonyme. Les phrases parfois sortent seules, au croisement d’autres passants qui se retournent sur ce type qui parle tout seul, parfois se met à chanter dans sa tête, si fort que les sons deviennent audibles au dehors.

Mes yeux se posent sur l’herbe souillée, sur les cannettes roulées au bas de la pente : trop saouls, ils ont omis de les ramasser.

Je vais vite car le temps presse. Toujours il nous met la pression, celui-là. Et la montre est désormais la boussole du monde. La montre et le gousset ont remplacé le sabre et le goupillon.

Mort à celui ou celle qui ne sait calculer, qui ne prévoit dans le temps le début et la fin de son histoire, qui ne programme avec détails son plan de carrière oublieux de toute vie.

Mort à celui qui tend la main pour relever miséreuse assise aux courants d’air froid de siècle poussé au sommet de l’absurde.

Mort à celui qui chante, lit, embrasse, embrase, aime et tente encore de jouir des minutes écoulées à ne rien faire.

*

Celui-là est banni qui tente encore de vivre

A pleine lèvres assoiffées d’étoiles et de soleil

Manosque, 14 novembre 2011

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