Il y a cent ans: ... Jacques ELLUL

Publié le 06 janvier 2012 par Perceval

Jacques Ellul (1912-1994)
Historien du droit, sociologue, penseur de la société technicienne et de la modernité, théologien de l’espérance et de la liberté


Jacques Ellul naît à Bordeaux le 6 janvier 1912, d'un père orthodoxe et d'une mère protestante. Après des études brillantes au lycée Montaigne (aujourd'hui Montesquieu), il commence son droit à la faculté de Bordeaux, et c'est pendant ses études qu'il se convertit au christianisme … C'est aussi à ce moment-là qu'il se lie avec Bernard Charbonneau (1910-1996), universitaire bordelais lui aussi. Dès cette époque, les deux amis créent ensemble des « clubs de presse » et des groupes de discussion pour réfléchir aux changements qu'entraîne le progrès scientifique : mouvement que l'on peut qualifier de « pré-écologique » et font ensemble le constat de l'impuissance politique face à la technologie .
Révoqué par le gouvernement de Vichy en 1940 comme fils d'étranger (son père était né à Malte), il s'improvise agriculteur et participe activement à la Résistance sans toutefois prendre les armes. Il renseigne le maquis, cache des prisonniers évadés et des juifs pourchassés, leur procure de faux papiers pour les aider à passer en zone libre.
En 1943, il passe son agrégation de droit romain et d'histoire du droit ; il est alors nommé Professeur à la faculté de droit de Bordeaux où il enseignera jusqu'à sa retraite en 1980.
Comme toute sa génération, Ellul est marqué par l'échec du Front Populaire, par le nazisme et par la guerre et souhaite s'engager en politique. Il prend une part active à la préparation des élections législatives d'octobre 1945. Inscrit au parti de l'Union Démocratique et Socialiste de la Résistance (U.D.S.R.), sa liste n'atteindra pas 5 % des suffrages en Gironde et n'aura aucun élu.


Universitaire, professeur de droit romain, auteur d'une Histoire des institutions en cinq volumes qui surprit ses pairs mais servit de référence à plusieurs générations d'étudiants en droit, enseignant aussi à l'Institut d'études politiques de Bordeaux, sociologue, Jacques Ellul se situait hors du champ de la spéculation philosophique et ne s'appliquait guère à lui-même la qualité de théologien. Hors les travaux consacrés à la spécialité austère qu'il avait choisi d'enseigner, Jacques Ellul a produit une œuvre considérable — quarante-huit livres, plusieurs centaines d'articles, plus d'un millier peut-être — et, quant au fond, abordé en profondeur les sujets et les domaines les plus divers autour de quelques idées-forces et peut-être même d'une seule ligne directrice qui traverse toute l'œuvre, de La Technique, ou l'Enjeu du siècle en 1954 au Bluff technologique de 1988, de Présence au monde moderne en 1948 à Combats de la liberté paru en 1983. Mais, avant l'œuvre écrite et aux origines de celle-ci, il y eut la rencontre d'un homme, Bernard Charbonneau, un engagement commun dans la mouvance personnaliste, et, pour Jacques Ellul lui-même, la naissance de la foi dont il est permis de penser qu'elle constitue la clé de son œuvre.

Ellul soumet à la même analyse rigoureuse de nombreux aspects du fonctionnement de la société moderne, la place — excessive — de la politique (L'Illusion politique, 1965), la mode des idées et les idées à la mode (Exégèse des nouveaux lieux communs, 1966), l'idéologie de l'exaltation de la technique (Métamorphoses du bourgeois, 1969), la communication (Propagandes, 1962 ; La Parole humiliée, 1980), les impostures de l'art contemporain (L'Empire du non-sens, 1980). Il consacre trois livres au phénomène de la révolution, à l'étude duquel il apporte sa connaissance profonde de l'histoire, de la pensée de Marx et des différentes écoles marxistes. En 1969 paraît Autopsie de la révolution, que suit en 1972 De la révolution aux révoltes, puis en 1982 Changer de révolution.
Autre pôle de l'œuvre, l'exégèse biblique depuis Le Livre de Jonas (1952) jusqu'à La Raison d'être, méditation sur l'Ecclésiaste (1987) en passant par Sans feu ni lieu (1975), sous-titré Théologie de la ville, celle-ci étant vue comme le lieu par excellence d'où l'homme cherche à se dresser en opposition à Dieu, L'Espérance oubliée (1977). Cependant, dans l'ordre de la réflexion théologique, les œuvres capitales, en prolongement de Présence au monde moderne, autre texte fondamental publié en 1948, quelques années avant La Technique, sont constituées d'un ensemble qui est une véritable somme, Le Vouloir et le Faire (Introduction à l'éthique chrétienne) en 1964, suivi, en 1973, en 1975 et en 1983 sous le titre Les Combats de la liberté, des trois volumes de L'Éthique de la liberté.
Jacques Ellul livrera également des réflexions plus personnelles dans La Foi au prix du doute (1980), À temps et à contretemps, paru en 1981...

Sources diverses: dont Encyclpédie Universalis ...