La croyance … La foi, à l’inverse :
La croyance parle, parle, s’abreuve de paroles, elle interpelle les dieux, elle prend des initiatives. La croyance agit. Elle entre au cœur de l’action. Et ne peut
alors jamais rencontrer autre chose qu’elle même.
La foi se situe exactement à l’inverse. Elle attend, elle reste vigilante, recueille les signes, interprète les plus frêles paraboles, elle patente à l’écoute du
silence, jusqu’à ce que ce silence soit rempli de ce qui lui devient indiscutablement parole de Dieu. Après , à partir de l’écoute, peuvent venir : réponses, message, morale, action et
engagement. Mais tout cela épuise la foi, et celle-ci renait et ne se ressource qu’au retour de l’écoute et à la veille en silence.
( …)
Mais si la foi me conduit à écouter la question de l’autre, voici une autre différence de la croyance et de la foi. La croyance rassemble. La foi isole. ( … ) Nous nous retrouvons dans un même courant, dans une même institution, tous orientés vers le même objet, l’objet de notre croyance, (…) La croyance est bien utile pour faire fonctionner le corps social, elle est bien nécessaire pour me renforcer dans ma faiblesse. ( … ) et me plonge avec une satisfaction sans nom dans une communion qui me libère de ma propre conscience et de ma perplexité ( donc de mes questions..) (…)
Nous serions disposés à croire que la foi est du même ordre. La foi en Jésus-Christ ne contient-elle pas le commandement d’aimer son prochain, et la foi n’a-t-elle pas en définitive produit l’Eglise, et bien plus, à la limite, la chrétienté, la société chrétienne, la culture chrétienne ? ( …) La croyance religieuse donne des centres de rassemblement et institue des armatures pour ce rassemblement. Elle est donc bien utile … pas grand chose d’autre !
La foi joue exactement en sens inverse. La foi individualise. Elle est toujours une affaire exclusivement personnelle, et puisque je parle de la foi au Dieu d’Abraham et de Jésus-Christ, non pas du tout en un Dieu abstrait, général, et semblable dans toutes les religions, je dirai qu’elle est la relation personnelle à un Dieu qui lui-même se révèle en tant que personne. (…) la foi isole et rend unique. Et c’est l’expérience centrale de Kierkegaard … (…)
Ainsi la foi ( qui isole ) au Dieu d’amour fonde l’Eglise. Là où quelques individus vivent cette foi, il est inévitable qu’ils se rencontrent et partagent leur pain et leur vin.
Une troisième opposition radicale est relative au doute. ..(…) La foi suppose le doute, alors que la croyance l’exclut…. Et Pierre ? ( marcher sur l’eau …, et
Thomas … ? ) ( …) L’homme de la croyance exécute parfaitement la loi et les commandements. Il est tout d’une pièce dans ses convictions. Il ne tolère aucun écart, aucune déviation …( …) Il
délimite avec exactitude les frontières entre la croyance et l’incroyance. ( ..) Le croyant est une personne efficace.