Max | Aller simple

Publié le 11 janvier 2012 par Aragon
Ce sera comme un arrêt brutal du train
Au beau milieu de la campagne un jour d'été
Cadou
Et je te dis de vivre...
Aragon

J'apprends ces mots lâchés d'un trait dans la stupéfiante pâleur d'un soir. Elle va mourir rien n'y peut rien n'y fait. C'est ainsi. C'est parti de là depuis peu, novembre dernier et ça s'est dirigé là, là, là aussi. Partout.

Tu me dis que son regard sur elle est serein. Qu'elle a la voix pleine d'énergie, claire, au téléphone. Tu me dis qu'elle est forte, qu'elle arrange désormais sa vie en fonction, qu'elle va à l'amble de l'inéluctable. J'apprends la nouvelle en tremblant. Tétanisé. Ma voix chevrote au téléphone. Je sens des larmes monter en moi. Puis, tout ce mauvais flux cesse en moi. Alors je pense enfin à elle, je l'imagine tel que tu me le rapportes. Elle prépare les siens, leur parle. Ils se parlent. Ils sont là. Tous ensemble. Je les vois, je la vois, presque. Je la devine suçotant un carré de chocolat, buvant à petit peu une délicieuse tasse de café brûlant. Chaussures de montagne enfilées. Temps béni de la retraite. Tant que ça tient. Tant que la vie veut.

Ne rien changer, rien. Me préparer comme si je m'habillais matin. Dire, redire, encore et encore, à ceux que j'aime que je les aime, qu'il leur faut vivre intensément. Qu'il leur faut continuer à vivre. Ma voix forte, claire, est posée aussi loin que possible sur la vie qu'il me reste, sur un chemin bleu parsemé de cailloux vifs, rouges et tranchants. Qu'importe ces cailloux, mais la douleur, oh la douleur. Laisser le vent, laisser l'aube et la fine clarté des matins, laisser les coeurs, les bras et les visages, apprendre à laisser sans rien perdre, sans rien abandonner, entrer à pas lents, mesurés, dans le diaphane d'un brouillard comme celui de ces hautes vallées que je connais si bien. Trouver quoi en haut ? Le soleil ? Je ne sais pas, je ne sais rien. Leur dire simplement qu'ils ne peuvent entrer avec moi dans ce brouillard, les laisser aux dernières, aux ultimes hauteurs accompagnatrices accessibles par eux, ensuite, seule, passer, bien passer ce brouillard. Leur dire encore et encore, jusqu'au bout qu'ils doivent vivre, être heureux. Leur dire jusqu'au bout que je les aime. Recevoir leurs mots d'amour. M'en encorder au pied de la paroi. Leur dire encore que la vie est... Leur dire la vie.