Magazine Journal intime

La fois où je voulais juste une Aspégic et qu'on me foute la paix !

Publié le 05 mars 2008 par Boo
migraineuse... Pour cause de manque de sommeil, abus de clopes, trop de temps passé devant un écran, ou je sais pas quelle autre raison fourbe, quoiqu’il en soit, hier, j’avais un putain de mal de tête d’un autre monde.
Pas du genre migraine fulgurante qui scotche, paraît-il, ses pauvres victimes au lit. Mais du genre bien chiant quand même. Chez moi, ça se concrétise par la très agréable sensation d’avoir une vingtaine de lutins qui dansent comme des punks dans ma tête en prennant soin de pogoter bien fort sur les parois de mon crâne. Et qui ont des bottes avec éperons. Et des cornemuses. Sympa non ?
Donc hier, dans l’après-midi (ça ouvre tôt apparemment, le Club "Crâne de Boo"), quelques lutins entrent timidement. Une ou deux consos, petits pas de danse hasardeux, tout va bien. Je fais semblant de les ignorer. Mais sur les coups de 18h, ça commence à être lourd. Le DJ doit déchirer sa race, parce que ça commence à se dandiner sévère, là haut. Bon, une Aspégic et on oublie tout ça. L’Aspégic, c’est mon amie, surtout la version 1000mg.
Je monte donc d’un pas lourd mais assuré dans la salle de bain pour me servir ma ptite came. Malheur ! Plus ! Y’en a plus ! Je remue tous les placards, force tous les tiroirs, faut bien que je me rende à l’évidence : y’en a plus ! Et maudissant mon chéri, qui est forcément responsable du non-réapprovisionnement du stock, je commence à suer à grosses gouttes, tandis que mes lutins, là haut, en profitent pour augmenter sensiblement le volume et réclament leurs bocks de bières à grands coups de pieds.
Il me faut mon Aspégic. Mais hors de question de prendre le volant, rien que l’idée du bruit du moteur, ça fait grimper mes lutins aux rideaux.
18h, mon chéri doit être sur le chemin du retour du boulot.
Un coup de fil rapido, sans préambule : « Ca t’embête de t’arrêter à la pharmacie en passant ? Prends-moi 2 boites d’Aspégic 1000. Non, prends en 3 va. Et pis quand tu seras rentré, fais moi penser à t’expliquer comment marche la liste choses à racheter qui traine depuis 3 ans sur le frigo, ok ? »
Un gant humide sur le front, allongée dans le noir sur le canapé du salon, j’attends impatiemment mon sauveur en blouse blanche. Mais qu’il fasse viteeeeuh bon dieu ! Ils ont attaqué Smells Like Teen Spirit là haut, je le sens mal !
RIIIIIIIIIIIING RIIIIIIIIIING !   Vous connaissez quelque chose de plus cruel que la sonnerie du téléphone quand on a mal au crâne ?
- Moui !? - Boo ? C’est moi. Dis, à la pharmacie ils voudraient ton numéro de carte vitale, tu l’as sous la main ? - Quoi ? Mais pour quoi faire ? Y’a même pas d’ordonnance, ça sera pas remboursé de toutes façons... C’est de l’Aspégic que t’as demandé ou de la morphine ? - Oui oui mais c’est pour leurs archives ou je sais pas quoi, pour leurs stats. - Oué ben dis leur que si ils te retiennent encore 2 minutes de plus, leurs stats de taux de mortalité elle va enregistrer un client de plus, tu me suis ? - Euh ok j’arrive je fais vite

(Non mais je suis adorable comme fille en général hein. Mais pas quand j’ai mal au crâne. Là faut pas me chercher. Mais sinon, venez donc boire le thé chez moi, n’ayez pas peur...)
Re-gant humide, re-position horizontale, re-attente en comptant les minutes et les pas de danses. Et puis, évidemment :
RIIIIIIIIIIIIIING ! RIIIIIIIIIIIIIIIIING ! Je vais mourir...
- Boo ? C’est encore moi (mais avant de mourir, je vais le tuer, comme ça il fera pas un veuf éploré) - ...? - Euh, en fait ils ont plus d’aspégic, mais ils me proposent de l’Afebryl, ils disent que c’est pareil. Je prends ça ou tu préfères que je trouve une autre pharmacie ? - Tu prends la came de suite et tu radines tes fesses illico ! - Euh ok...

(Adorable je le suis, si si).
Re-re-gant humide, etc, etc, vous me suivez... Là haut, la fête bat son plein, les premières lutines vomissent déjà leur bière dans un coin tandis que quelques lutins s’empoignent au sujet d’une bottine piétinée. Le pied.
RIIIIIIIIIIIIIING ! RIIIIIIIIIIIIIIIIING !
(Je vois déjà les titres des manchettes : assassinat sordide hier au soir. La criminelle déclare : « je voulais juste une Aspégic et qu’on me foute la paix »).
- Boo ? - ... - Boo je suis vraiment désolé... - Tu es encore dans la pharmacie ? (question prononcée avec le filet de voix glacial qui laisse entendre qu’une certaine réponse est fortement recommandée) - Euh non... (Bien ! On avance...) - Mais en fait... Je suis dans le parking de la pharmacie là. J’ai du oublier mes phares allumés, je peux plus démarrer, la batterie est morte. Il faudrait que tu viennes me chercher...


Vicodin - Olivier Ledroit

Photo : The blinding white light of a migraine de Jess, Beemouse Labs
Illustration : Olivier Ledroit dans L'Univers féérique d'Olivier Ledroit, éditions Daniel Maghen

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