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Mise au point sur le « fric » dans l’édition numérique (avec des chiffres dedans)

Publié le 14 janvier 2012 par Paumadou

Mise au point sur le « fric » dans l’édition numérique (avec des chiffres dedans)Voilà, plusieurs fois cette semaine, j’ai vu des trucs à me faire sauter sur place.

Des remarques sur des prix de bouquins trop chers pour ce qu’ils sont. J’en ai déjà parlé ici (et je reconnais que mon bouquin, à côté, est VRAIMENT très court et justifie bien plus cette remarque que les livres suivants qui ont été jugés trop chers)

Petit ange de David Forest à 0,99€ -> une nouvelle jugée par une lectrice outragée comme un « roman pas fini » sous entendant qu’à ce prix-là, elle s’était faite arnaquée (le principe d’une nouvelle étant d’être courte et beaucoup moins fournie qu’un roman…) (voir le blog de David Forest)

In My Head de Jiminy Panoz à 1,99€ disponible également en paiement par tweet (gratuit donc) qui est un micro-roman (donc un roman à action resserrée qui se lit assez vite) -> jugé très cher par un lecteur.

Si Jiminy s’est bien défendu chez La Dame au Chapal en expliquant le travail fourni derrière le fichier (à lire ici dans les commentaires de l’article), je me permet de vous expliquer quelques points importants à savoir quand on parle de livres et d’éditions numériques francophone.
(la France, ça réduit trop quand on sait que ça se joue à l’international et sur le marché francophone canada-france-belgique-suisse-etc)

Comparer le marché US et anglophone avec le marché francophone est une belle connerie : le marché US est mûr, le marché français n’est encore qu’un bourgeon même pas ouvert. Nous sommes également sur un marché plus restreint : le monde entier parle plus ou moins anglais, il y a beaucoup moins de francophones dans le monde.

Je vais vous faire une étude de cas : deux auteurs auto-publiés, l’un anglophone, l’autre francophone, avec les chiffres identiques établis sur le même revendeur (Amazon) et sur les mêmes périodes (à 2jours près, mais vous allez voir que ce n’est pas si important): Joe Konrath et moi. Pour aller jusqu’au bout de la comparaison : les deux bouquins sont dans le top 100 depuis 70jours environ ! (on ne pourra donc même pas critiquer la comparaison sur ça !)

Marché US
Par exemple, je prends les chiffres de Joe Konrath annoncés pour janvier (à lire ici) :
son roman The List actuellement 71e au top 100 kindle US avait au 11 janvier quelques 11000 téléchargements, soit 1000 achats par jour. Il n’est QUE 71ème, c’est à dire dans le dernier tiers du top, on peut facilement imaginer le double pour ceux en tête du top -voire plus encore)

Marché Franco
Mon roman Petits Meurtres à Paris au 13 janvier avait à son actif pour le mois de janvier 380 ventes, soit 29 ventes par jour. Petits Meurtres à Paris oscille depuis le début du mois entre la 8ème et 15ème place sur le top 100 kindle France, ce qui est pourtant une excellente place !
Rien à voir donc, nous sommes bien sur deux marchés distincts et totalement différents au niveau des volumes.

Pensez donc qu’avec le niveau de ventes francophones actuel, il est impossible de rentabiliser un bouquin à 0,99€ pour un éditeur.

Surtout que pour une vente à 0,99€, Amazon (qui est un gros distributeur) ne reverse que 0,34€. Pour 1,99€ c’est 0,66€. Sur ce coût, un éditeur doit se rémunérer et rémunérer l’auteur. Si j’ai gagné quelque 250€ sur ses 380 ventes parce qu’en tant qu’autopubliée je n’ai pas à partager et que je vends à 1,99€, un éditeur gagnerait la moitié s’il vend à 0,99€  (et sur ce chiffre, il doit reverser une bonne part des bénefs à l’auteur !)
Encore faut-il que le roman se hisse dans le haut des classements ! En dehors du top, la moyenne francophone est de 15 ventes par ouvrage et par mois  si on a de la chance (toujours selon MES chiffres à moi que je peux fournir sans soucis aux sceptiques – moyenne faite sur 7 publications dont certaines ne vendent pas plus de 2-3 exemplaires par mois)

On peut imaginer que les volumes sont sensiblement les mêmes chez les autres revendeurs, ce qui au final ne fait pas grand-chose comme revenus (même si les autres revendeurs reversent plus qu’Amazon, ils ne sont pas si nombreux que ça !)

Il est évident qu’avec le marché actuel aucun éditeur francophone (ou même auteur auto-édité) ne peut vivre avec des publications d’auteurs contemporains quasiment gratuites.
Qu’à faire du « moins cher » il ne s’en sortira jamais, car même en se démarquant de la concurrence, le marché n’est pas encore assez grand pour lui permettre d’en vivre !

Et puis entre des fichiers DRMisé à 15-16€ et des fichiers à 2-3 ou même 5€, il y a bien une différence monumentale ! Alors arrêtez d’exiger de la qualité, des textes contemporains ET la quasi-gratuité.

Personne ne bosse à l’oeil et personne ne se fait du « fric facile » quand il s’agit d’éditeurs numériques de qualité.


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