Deuxième acte : la plage. Elle, circonspecte, refusant toute invitation : ni aller dans l’eau, ni un autre dessert, non pas de café. Rien, merci. A peine a-t-elle accepté une bière bien fraîche, au mitan de l’après-midi, lorsque l’heure est la plus chaude. En revanche, elle a écouté, intéressée, l’histoire de ce pays qui se déroulait sous ses yeux. Elle a emporté soigneusement pliée, une serviette en papier où quelques chiffres avaient été tracés à son intention, pour lui expliquer, pour la convaincre qu’elle tenait là un monde à explorer. Monde pas tout à fait inconnu, d’ailleurs. Lui, vaguement interpellé par cet oiseau voyageur posé comme un hasard sur ce rivage, se montrait gentil, vaguement charmeur, prévenant. Un mélange de bonne éducation et d’un embryon d’intérêt soigneusement réprimé. Ce n’est que plusieurs jours après, en y repensant, qu’elle l’avait estimé un peu malheureux, un peu déçu, un peu blasé. De toute évidence, il avait enfoui très profondément sous une couche de préoccupations diverses et variées et essentiellement matérielles toute sensation et, a fortiori, tout sentiment.
Quelle force l'a donc poussé à descendre de sa montagne solitaire pour dîner au milieu d'une assemblée cosmopolite, qui alliait ce soir-là l'Afrique lointaine, l'Amérique conquérante à cette vieille Europe qui, paradoxalement, était Terra Incognita. Jamais visitée, juste "apprise" à travers les lectures, les chansons et le langage. Elle avait laissé la providence la placer près de lui. A moins que lui-même n'ait eu quelque influence sur ce destin. Ils se parlèrent donc. En public, toujours. Des témoins innombrables d'une histoire étrange en train de se nouer sans bruit.