Dans les deux premiers articles, j’ai essayé d’expliquer que le sentiment d’avoir beaucoup de travail et surtout de faire le travail des autres était lié à un changement d’interaction psychologique avec le travail. Il ne s’agit pas forcément d’une perception ou d’un sentiment faux, c’est juste le type d’interaction psychologique avec le travail qui a changé et ce changement peut avoir des conséquences négatives.
Ce changement peut être néfaste d’abord en ce qu’il peut facilement permettre d’éviter de regarder le travail ou la tâche en soi. L’individu cesse d’avoir un regard complet sur le travail ou sur la tâche…Il a un regard tendu et donc qui n’a pas beaucoup accès à la tâche à réaliser. Il perd donc en capacité de comprendre la tâche ou le travail et donc en professionnalisme, en expertise. Si la situation se prolonge, l’individu commence alors à entretenir avec le travail une relation « morte », faite de routines, de plaintes contre les autres et contre le monde et de fadeur.
Cette situation est également capable de modifier la personnalité de l’individu. A force de se plaindre de ce que les autres ne font pas, il s’installe plusieurs habitudes qui peuvent rendre très différent un individu au fil des années : habitude de se plaindre, habitude de parler des autres, habitude de ne pas voir sa responsabilité, habitude de ne pas regarder le travail en soi, et donc de ne pas comprendre son évolution. Au final, certains travailleurs deviennent ce qu’ils détestent et créent un autre problème psychologique qui est de vivre avec cette nouvelle personnalité qui n’était pas forcément celle qu’on souhaitait.
Elle entretient le stress individuel et même collectif. J’ai vu dans des organisations où les gens se rejettent sans cesse la responsabilité du travail non ou mal fait, des niveaux de stress extrêmement plus élevés que dans les organisations qui ont un gros volume de travail, mais où les travailleurs ne se rejettent pas les fautes les uns les autres.
Le rejet des responsabilités sur les autres entraine surtout des collisions interindividuelles au sein de l’organisation. Il arrive très souvent que ce sentiment de débordement rattaché aux autres crée carrément des conflits et des blocages d’une certaine ampleur.
Etre débordé de travail, c’est une chose. Mais lorsque le débordement cède au sentiment d’avoir trop de travail à cause des autres, les risques prennent des proportions aggravées capables de déstabiliser l’individu, le travail et l’organisation.