Megaupload, qui compte parmi
les vingt sites les plus importants au monde, n’est plus accessible. Le
site et les différents services satellite qui l’entourent semblent avoir
été mis hors ligne après une action de la justice américaine. Celle-ci
confirme l’ouverture d’une procédure criminelle de grande envergure.
Selon nos constatations, Megaupload
n’est plus accessible en France, quelle que soit la ligne. Simple
problème technique ? Il semblerait que la réponse soit plus grave, au
moins pour le fameux Kim Dotcom, ses associés et ses employés. Le
département de la Justice américain confirme l’ouverture d’une procédure
criminelle à leur encontre. Il estime que Megaupload aurait engrangé
plus de 175 millions de dollars grâce à des activités frauduleuses, et
provoqué plus de 500 millions de dollars de manque à gagner auprès des
ayant-droits.
« Cette action est justifiée par
le cas de crime contre le copyright le plus important jamais identifié
par les Etats-Unis et vise directement le mésusage d’un site public de
stockage et de distribution pour commettre et faciliter les crimes
contre la propriété intellectuelle », annonce le DoJ.
Megaupload, qu’est-ce que c’est ?
Megaupload est un service
d’hébergement de fichier, qui permet à n’importe quel internaute de
stocker sur ses serveurs un document, une vidéo ou un morceau de
musique. Ce fichier est ensuite accessible au travers d’un lien unique,
et peut-être téléchargé par quiconque aura reçu l’adresse adéquate. Le
service est accessible gratuitement, mais certaines restrictions
incitent à basculer vers des formules payantes.
Il est accompagné d’un satellite,
Megavideo, qui fonctionne comme YouTube et permet de lire, directement
depuis son navigateur, des fichiers vidéo stockés sur Megaupload.
Officiellement, Megaupload n’est pensé que pour des partages privés,
mais il est de notoriété publique que le site est utilisé pour la
diffusion de fichiers protégés par le droit d’auteur, même si ce type de
service, parfois qualifié de « coffre-fort numérique », n’a rien d’illégal en soi.
En France, 3 millions d’internautes consommaient chaque mois des vidéos sur Megavideo selon Médiamétrie.
Officiellement ouverte le 5 janvier
dernier par un grand jury de l’état de Virginie, la procédure a conduit à
l’arrestation, jeudi 19 janvier, de Kim Dotcom (qui se faisait
également appeler Kim Schmitz), fondateur et patron de Megaupload, en
Nouvelle Zélande. Deux de ses associés ont également été interpellés. Le
DoJ évoque par ailleurs une liste de complices supposés qui n’ont pas
encore été localisés. Il affirme que chacun d’entre eux risque de
multiples peines de prison, allant de cinq à vingt ans, pour racket en
bande organisée, conspiration en vue d’infractions au droit d’auteur ou
blanchiment d’argent.
Plus de vingt mandats d’arrêt ont été
lancés dans huit pays différents. Le FBI indique par ailleurs avoir
saisi plus de 50 millions de dollars d’actifs, de matériel et de
serveurs aux Etats-Unis, au Canada et au Pays-Bas, ce qui explique
vraisemblablement pourquoi les différents sites Megaupload ne répondent
plus. Ses infrastructures européennes étaient en effet hébergées chez
Leaseweb (Pays-Bas), alors que ses serveurs américains logeaient dans
les centres de données de Carpathia Hosting (état de Virginie). 18 noms
de domaine associés à la « conspiration Megaupload » ont également été saisis.
L’exposé des charges établi par le
FBI reprend certains des arguments régulièrement avancés par les
détracteurs du service, comme le système qui vise à récompenser les uploaders
ayant mis à disposition des fichiers très téléchargés. Ils reprochent
également à Megaupload d’avoir participé à la construction d’un
écosystème de sites tiers, recensant les fichiers hébergés par ses
soins, lui évitant d’avoir à lui même fournir un moteur de recherche sur
son propre service.
Est également soulignée l’absence de
sanctions prises à l’encontre des utilisateurs du service qui y
hébergeaient des fichiers illégaux. Les Feds remarquent que si
Megaupload respectait la procédure de cease and desist
(supprimer un fichier violant le droit d’auteur lorsque celui-ci était
signalé par les ayant-droits), les comptes utilisateurs associés
restaient quant à eux ouverts.
Quid du statut d’hébergeur ?
Régulièrement critiqué, Megaupload
s’était jusqu’ici toujours retranché derrière son statut d’hébergeur
pour justifier de la légalité de ses activités. C’est cette posture
confortable que semble vouloir démolir l’exposé des charges mis au point
par le FBI et le DoJ, en arguant du fait que Megaupload n’agissait pas
comme un simple intermédiaire technique, mais bel et bien comme le
promoteur et l’instigateur d’activités liées au téléchargement illégal.
Si les usages illégaux de Megaupload
étaient manifestes, il est vrai que le service en tant que tel n’a rien
d’illicite, tout comme un client P2P n’a rien d’intrinsèquement
illicite. La société avait d’ailleurs argué du fait que son site était
utilisé par des entreprises très sérieuses pour stocker et diffuser
leurs documents, et s’estimait jusqu’ici parfaitement à l’abri du DMCA
(loi américaine qui définit et protège, entre autres, le statut
d’hébergeur).
En décembre dernier, Megaupload
s’était lancé dans une vaste campagne de communication afin de faire
connaitre ses services. Il s’était alors offert les services d’une brochette de stars
qui, tout au long d’un clip musical, affirmaient à quel point elles
étaient ravies d’utiliser (légalement) Megaupload. La maison de disques
Universal avait bien maladroitement donné grand écho à cette manoeuvre,
en demandant le retrait du clip en question des plateformes de partage,
au motif que celle-ci enfreignait le droit d’auteur, ce qui n’était
manifestement pas le cas.
Le 12 janvier dernier, un représentant de Megaupload, Emmanuel Gadaix, avait été entendu par le Sénat français (voir la vidéo).
Il y défendait la légalité du service, indiquant que celle-ci n’avait
jamais été inquiétée par la justice, et dénonçait les fondements des
deux lois Hadopi.
En parallèle de cette prise de
parole, Megaupload avait annoncé son intention de révolutionner
l’univers de la distribution de films et de musique, avec le lancement
de nouveaux services comme Megabox, qui devaient permettre de profiter,
légalement cette fois, de contenus musicaux ou vidéo. Il faudra attendre
le résultat de la procédure en cours pour savoir si, oui ou non, ces
services verront le jour. Les nombreuses alternatives à Megaupload
restent, pour l’instant, parfaitement accessibles.
La fermeture de Megaupload intervient
au lendemain d’une journée de contestation sans précédent sur le Web,
visant à dénoncer les risques potentiels de deux projets de loi
américains voulant lutter contre le téléchargement illégal, SOPA et PIPA
(voir SOPA : Google vire au noir pour lutter contre la censure du Web).
On ne sait pas pour l’instant ce qu’il
adviendra des fichiers légitimes et privés que certains utilisateurs
stockaient sur Megaupload.