Comme vous le savez (ou pas), j’ai été opérée la semaine dernière sous anesthésie générale. AG, comme on dit dans le milieu.
Et non, je ne rentrerai pas dans les détails sanglants pour vous expliquer l’opération dans les détails.N’insistez pas. En plus, je dormais, j'ai rien vu. Ou alors, il faut beaucoup de zéros sur le chèque.
Bêtement, j’avais jusque là focalisé mon attention sur l’anesthésie en elle-même... Je crois surtout que c’était un moyen de ne pas penser à l’opération, aux risques éventuels, aux cicatrices et à tout ces trucs post opératoires qu’on fait mine de découvrir une fois qu’on a le nez dedans. A ce sujet, note pour plus tard : il faut toujours croire un chirurgien quand il vous dit que ça va faire mal. Très mal.
Ca avait pourtant bien commencé. A l’entrée de l’hôpital, la veille de l’opération, on m’a remis un bracelet en plastique blanc comme au club Med, et la formule était elle aussi All Inclusive, sauf pour la douche qui manquait légèrement dans la chambre.
Pas grave, c’est tellement agréable de s’enfiler 300 mètres de couloir les fesses à l’air et l’escalade de deux ou trois brancards qui trainent pour aller utiliser l’unique douche de l’étage, dont la porte ne ferme pas à clé, dont l’écoulement ne digère l’eau qu’avec parcimonie, et qui en plus a été utilisée avant vous par l’ensemble des indigents de l’étage (comprendre, ceux qui n’ont pas raqué 170 € par jour pour avoir une chambre individuelle) (170 boules, toi aussi tu es sur le luc ?), qui en a profité pour repeindre les carreaux à grandes trainées de bétadine rouge et par coller ses vieux sparadraps sanguinolents dans le bac.
Puis , parcours inverse pour rentrer dans
Mon homme qui m’a amenée, me laisse, non sans me rassurer avant de partir, en proférant une phrase du genre « je sais pas si je te reverrai » avec des trémolos dans la voix et des larmes dans les yeux.
Et tout ça, sérieusement.Ambiance.
A peine installée, ah, mais que vois-je, 17h45, déjà, c’est fou comme le temps passe, c’est l’heure de manger, ouh là là, je sens les odeurs de nourriture flotter dans le couloir, je salive d’avance à l’idée de mon bouillon de légumes et de mon steak haché haricots verts avec un petit fromage en portion (alternativement : emmental-carton, camembert-carton, maasdam-carton) et un fruit pour la route.
Je me force à tout avaler, vu que je n’aurai pas le droit de manger demain midi, et puis à vrai dire, il n’y a rien d’autre à faire.
Ah si, tiens, une infirmière décide tout soudain de venir me raser la moule, entre la poire et le fromage. Ou, pour être plus exacte, entre le fromage et la poire.
De toutes façons, je soupçonne les infirmières de faire exprès de débarquer au moment le plus inopportun. Quand on dort. Quand on est aux toilettes. Quand on mange.
A mon avis, elles ont installé un réseau de caméras espions dans les chambres pour pouvoir martyriser leurs occupants (si je peux me permettre, en terme d’investissement, une douche, plutôt que des caméras ? ou juste une porte qui ferme pour l’ancienne ? Enfin bon, je dis ça, je dis rien...)
Ma voisine de chambre débarque alors, pour une opération prévue le lendemain aussi. Raté pour le flacon de bétadine et le gant en papier tissé en rab pour moi (je me voyais déjà aligner amoureusement sur ma tablette deux flacons pour pouvoir me dé-bactériser en toute occasion), mais cela permet au moins de se réconforter mutuellement en discutant de nos opérations respectives (et en tentant d’établir qui de nous deux aura la plus longue, la plus douloureuse, la plus dangereuse, et qui a le meilleur chirurgien).
Après une nuit difficile et hachée, eut égard à la propension de ma voisine à émettre des vibrations respiratoires plus que sonores dans son sommeil... bon, bref, le lendemain matin, petit dèjeuner, douche et shampoing à la bétadine, enfilage de blouse option fesses apparentes et un tranquillisant plus tard, je comate dans mon pieu, complètement stone, mes pulsations cardiaques sont à 50 soit à peu de choses près celles d’un escargot en hibernation. Y a pas à dire, le tranquillisant, ça tranquillise. Mon chirurgien passe pour me faire plein de petits dessins, avec des traits de différentes couleurs. Ca me fait penser aux pliages pour enfants : découper là, plier ici. D’ailleurs, ça sert à la même chose, au final.Découper là.
Le chirurgien me demande si je stresse. Ahahah !! 50 de pulsation, escargot, tout ça, je ne stresse pas, je plane. Je suis haut dans le ciel, un aigle, youhou, c’est moi, vous me voyez tout là haut ?
C’est l’heure d’y aller. Je gagne le plus dignement possible mon brancard, un bras dans le dos pour serrer au mieux les pans de ma blouse qui dévoilent une partie de mon anatomie qui n’a pourtant pas vocation a être opérée (au tableau, ajoutez une charlotte assortie à la blouse et une paire de surchaussures) (heureusement, il n’y a pas de preuves photographiques).
Tout s’enchaine, la montée au bloc, l’attente dans le couloir parce que le chirurgien est un peu en retard et l’anesthésiste beaucoup en retard, quelques vannes pour détendre l’atmosphère, du genre, « on n’a qu’à commencer sans eux » (mouahahahah) (à ma décharge, je rappelle, escargot, aigle, tout ça).Puis une petite piqure, et un réveil en douceur quelques heures plus tard dans une salle toute blanche avec un gros appareil qui ronronne à ma gauche et une horloge au mur.Les infirmières chuchotent, mais elles sont derrière moi et c’est fatigant de tourner la tête, d’ailleurs, je crois que j’ai bien envie de faire un petit somme tiens.
Après deux ou trois petits sommes, je suis suffisamment réveillée pour retourner dans ma chambre, dans laquelle je trouve une paire de boules quiès apportée par mon chéri, mais de chéri, point, vu que j’ai pris mon temps pour émerger. L’anesthésiste avait mis la dose, quoi. Tout ça parce qu’à la première piqure, j’avais fait trop ma maline, genre « pas mal le cocktail de bienvenue, mais je préfère le champagne, là j’ai rien senti ».Ca m’apprendra, tiens.
Bon, je l’ai quand même eu au téléphone, mais pas les enfants, ou à peine, il y avait mieux à faire, jouer à la wii, lancer des avions en papier, dessiner, tout ça.Ils perdent rien pour attendre, ceux là.
Ensuite, trois jours à être dépendante pour presque tout, manger, éteindre la lumière, me lever.Trois jours à avoir mal. A réclamer de la morphine comme une droguée, quand on me propose du paracétamol deux fois par jour. Du PA-RA-CE-TA-MOL. Vas-y pour l’antidouleur de choc ! Et pour dormir, une camomille avec un sucre, tant qu’on y est?
Trois jours à me faire déranger toutes les 2 heures, jour et nuit, pour apprendre que ma tension est invariablement entre 8 et 9 / 5, comme c'est le cas depuis l’entrée dans la clinique, et depuis les 3 précédentes années, aussi. Dingue.Trois jours à éviter la douche, depuis que je sais que le mec de la chambre à côté a une maladie nosocomiale résistante, et que lui non plus n’a pas de douche dans sa chambre.Mourir ou puer ? J’ai choisi puer. Et puis ça fait les pieds aux infirmières.
Et puis, j'ai pu rentrer à la maison, tout doucement et courbée comme une vieille. Pas que c'est tellement mieux maintenant, mais je peux ricaner sans avoir mal. Il y a du progrès. Pas éternuer, par contre. Eternuer, c'est LE MAL.
J'ai une énorme cicatrice. Il parait qu'elle est belle, d'après le chirurgien. Enfin, pour l'instant, elle est surtout énorme. Avec des points partout qui piquent.
Bon, d'ici un an, niveau esthétique, ça devrait s'arranger. Vu que je suis super patiente, tout ça, tout va bien.
Sinon, j'ai presque fini le cycle du Trône de Fer, il y a quand même des avantages à ne rien pouvoir faire d'autre.
A bientôt les petits clous!