L’oiseau et le dico

Publié le 21 janvier 2012 par Paumadou

Je déteste le pinaillage sur les mots et les définitions du dictionnaire. Je l’ai déjà dit, je le répète:

J’adore jouer avec les mots, j’adore prendre un mot au sens premier quand son usage est depuis longtemps devenu second, j’adore le dico, les règles (que je réapprends chaque jour), les usages. Par contre, je déteste les ayatollah du dico qui ne jurent que pas la définition exacte de l’Académie.

Pourquoi ?

Parce que tout simplement, ils ne réalisent pas que les règles de la langue française, les normes, les définitions ne sont pas universelles et sont surtout le CHOIX d’hommes et de femmes afin de transcrire la langue française. En gros, si je bossais au Petit LaRobertousse,  et que pour un mot j’y écrivais une définition cohérente (évidemment) mais orientée (voir la polémique auteur/écrivain), mais que sur mon blog, je donnais l’orientation inverse (qui est tout à fait plausible également), et bien je suis sûre qu’il y aurait des gens obtus pour me sortir l’orientation du dico pour m’affirmer que je me trompe.

Dans les deux cas, je n’ai ni tord ni raison, pas plus que le dico car à partir du moment où on entre dans le subjectif et la nuance, les mots sont multiples, changeants et chacun d’entre nous en a sa propre définition.

De plus, ces « maniaco-dépressifs » du dico prennent parfois de grand air et un ton très docte pour m’enseigner l’étymologie de tel mot dont j’ose changer le sens. L’étymologie est l’archéologie du mot : c’est vieux, c’est le passé, depuis le mot a changé parfois du tout au tout.
Ils se sentent agressés sans doute, mais ne le suis-je pas moi-même quand on m’impose une définition qui ne me convient pas ? Vais-je pour autant aller insulter le type armé de son dico qu’il me balance dans la tronche comme unique argument (ça peut faire mal aussi )

Quand on oppose le pavé figé à la langue volubile, on arrive à un point qui est à mon avis essentiel dans la littérature française : on veut la renouveler avec un héritage énorme, lourd et pesant. Essayez de faire voler un oiseau avec un dico accroché autour du cou ? Il va se démener, mais retombera toujours le bec sur l’ouvrage, incapable de changer d’horizon.

Voilà comment je vois le monde : la langue se parle avant de s’écrire, puis FINALEMENT d’être codifiée. C’est ainsi que cela fonctionne et partir dans le sens inverse : partir du code (dico), pour écrire entre les clous et s’entendre parler en méprisant l’oral courant, c’est une mécompréhension immense du système. Une vision élitiste et particulièrement fermée.

Prenons maintenant, cet oiseau qui vole n’importe comment, qui piaille qui fait des loupings, des piqués, qui plonge, migre, revient… C’est n’importe quoi, c’est beau, c’est surprenant, c’est une nuisance aussi parfois (je me rappellerai toujours le nid de pigeons en face de la fenêtre de l’appart parisien de l’♂). La liberté, il connait.

Posez-lui un dico, expliquez-lui son fonctionnement (et non pas les mots !), il va continuer à voler à sa guise, de temps en temps il viendra se poser sur le dico quand ça lui chante, quand il le trouvera utile. Mais il va pouvoir se fortifier, s’améliorer librement. Un jour même sera-t-il assez fort pour soulever le dico et l’emmener voir ailleurs, plus loin. Parce qu’il n’est pas obsédé du dico, mais du mot et des sens qu’il peut leur donner, lui, langage, parce que c’est dans l’usage que la langue vit et non dans le vestige du passée.

Je ne dis pas que les règles sont inutiles, que le dico est un vieux truc moisi dans un coin, pas du tout. Mais il est un outil, pas une contrainte. Réapprenez à réfléchir sur le sens que VOUS donnez aux mots, et non pas celui que vous avez lu quelque part.