Magazine Journal intime

J’ai testé la zone de rencontres de la rue de l’Ange à Namur

Publié le 22 janvier 2012 par Anaïs Valente

NDLR : ce billet n’intéressera que ceusses qui vivent à Namur, capitale de la Wallonie, région (jusqu’à quand ?) de Belgique, royaume d’Europe, continent de la grosse boule bleue, planète du système solaire.  
Mais en fin de compte, non, il intéressera tous ceux qui marchent ou qui roulent, puis tous ceux qui aiment lire de très longs billets de ma part, très très longs…  Donc il intéressera tout le monde, CQFD.
Ma ville a plein de projets.
C’est formidable.
Bon, si elle pouvait avoir le projet de surveiller la nuit ceusses qui procèdent à des dépôts sauvages de toutes leurs merdes dans les rues, d’attraper les voleurs de mon argent quand, gentiment, j’accepte de faire de la monnaie et de mettre des PV aux voitures qui refusent de me laisser traverser le matin quand je vais gentiment bosser, la vie serait parfaite, mais ma ville a des projets et c’est déjà formidable.
Parmi ces projets, désormais abouti, celui de rénover la rue de l’Ange et sa jolie place éponyme.
En faire ce qu’ils appellent une zone de rencontres.  
Oh oh oh, sont-ils sponsorisés par la page orange ?  Va-t-on pouvoir y croiser des célibataires bruns et ténébreux ?  Boire des verres en faisant connaissance ?  Draguer lourdement sur les terrasses ?
Non.
D’après les dessins que j’ai vus, au moment du début des travaux, je ne sais plus où d’ailleurs, une zone de rencontres est une zone où voiture, bus, camions, motos, vélos, poussettes, chaises roulantes, piétons, chiens, tyrannosaures et escargots (hé, on est à Namur hein) se croisent, s’entrecroisent et se croisent encore, sans que les uns doivent être sur les trottoirs et les autres sur la rue.  Plus de trottoir, plus de rue, juste une zone où tout le monde s’aime d’amour, se respecte et, comme on dit en anglais (because en français je trouve pas l’expression exacte), « care for each other ».
Trop de la balle, non, une zone de rencontres ?
En plus, en été, on pourra manger son bout de pizza hut dégoulinant de gras ou suçoter sa boule de sorbet fraise home made par le Glacier de Namur, carrément sur la rue, comme ça, à l’aise blaise, cool raoul, relax max, en profitant des rayons du soleil, des gazouillis des pigeons (oui, bon, ça roucoule, mais gazouillis, c’est joli non ?).
Et qui sait, dans cette ambiance paradisiaque, si les rencontres avec des bruns ténébreux ne seraient pas envisageables… en option quoi, histoire que la place de l’Ange se transforme, pour certains, en place de Cupidon.
Ça a pris du temps, bien sûr, l’aménagement de cette place et de cette rue.  Enormément de temps, mais on dit que patience est mère de… euh de quoi ?  Sûreté non ?
Résultat :
Un magnifique ange tout doré.  Eblouissant.  Lunettes de soleil vivement conseillées.
Une rue où trottoirs et zone de circulation restent à explorer.
De jolis bancs en bois dans tous les sens.
Et…
Et…
Et…
Des voitures dans tous les sens (bis).  Et à toutes les vitesses mais surtout à toute vitesse.  
Et plus de passages pour piétons.
Au début, j’ai cru que les travaux n’étaient pas terminés et je ne cessais de me demander « mais quand eske la ville va enfin prendre son pot de peinture blanche et son pinceau en poils de mammouth pour nous redessiner les passages pour piétons entre les quatre coins et la rue Marchovelette ? ».  
Ben oui, accessoirement, soit dit en passant, juste comme ça quoi, c’est pratique pour traverser, un passage pour piéton, même si ce n’est malgré tout pas une traversée de tout repos ni sans danger, croyez la piétonne qui vit en moi.
Au fil du temps, j’ai fini par capter (tilt) : pas de passage pour piétons, puisque plus de séparation zone de circulation / zone piétonne.  
ZONE DE RENCONTRES, on t’a dit, Anaïs.  Donc zone pour tous, avec priorité aux piétons, qu’ils disent.  Ils ne font que le dire, bien sûr.
Ils disent aussi que le stationnement y est interdit.  Logique, puisque les piétons peuvent circuler librement, de façon prioritaire.  
En pratique, il en va tout autrement.
La première fois où j’ai failli mourir, c’était aux quatre coins.
J’ai eu l’outrecuidance, marchant sur le trottoir qui n'en est plus vraiment un, de vouloir traverser vers les magasins de bijoux d’en face.  Mon goût pour la pacotille a failli me tuer.  Moi, je voulais juste traverser, n’ayant pas encore assimilé le principe de la zone de rencontres sur laquelle je peux me balader sans crainte, sans devoir me coller aux façades et donc sans traverser, puisque je suis chez moi.  J’ai donc regardé à gauche (puis à droite, en réflexe ridicule, vu que la rue est à sens unique) et j’ai vu débouler un bus, sur la bande qui lui est réservée.   Bêtement, je me suis dit « ok, le passage piéton n’a pas encore été refait, mais il va me laisser passer », alors que j’aurais dû me dire « zone de rencontres, traverse où tu veux, et viva la vida ».  Mais j’ai vu dans le regard du chauffeur (parfois, ma myopie me laisse un répit) « toi, tu dégages, bouffonne ».  Et je me suis alors dit « bête Anaïs, pas de passage piéton, tu ne peux pas passer, vilaine, révise ton code de la route », et j’ai reculé gentiment pour laisser passer le mastodonte (et dans la foulée sauver ma peau), à la vitesse de 20 à l’heure en degrés Fahrenheit et non Celsius, soit genre 40 à l’heure au minimum.  Je le croyais dans son droit, il n’en était rien.  Mais comme je le dis souvent, grossièrement, « gros pouet pouet, petite quéquette ».  Un dicton qui se confirme régulièrement, au sens figuré hein.
La seconde fois où j’ai failli mourir… ben y’a pas de seconde fois.
Car désormais, lorsque je me trouve aux quatre coins, je choisis l’un des deux "trottoirs" et je tente de ne le quitter sous aucun prétexte.  Je tiens à ma vie hein.  Et si, témérairement, je dois traverser, car, après une course à l’Inno, je dois aller m’approvisionner en lasagnes Farniente chez Match, j’attends, bien souvent désespérément, qu’il n’y ait plus de voitures, car sans passage piéton, je n’ose m’engager comme je le fais habituellement, l’image de ma carcasse envoyée en l’air par un 4/4 hystérique ne me donnant nullement envie de prendre un tel risque.
Et bien sûr, dans toute cette histoire, s’ajoutent les dizaines de véhicules qui stationnent en toute impunité le long des trottoirs, trottoirs qui… n’existent plus, je vous le rappelle.  Comment se garer le long d'un trottoir inexistant, ça, je cherche encore l'explication.  Ils ont de la place, puisque les zones interdites de stationnement avant les passages piéton ont disparu.  Que du bonheur quoi !  Bon, accessoirement, il est bien indiqué aux quatre coins que le stationnement est interdit partout en zone de rencontres, et ce afin de faciliter les rencontres, faut-il encore le répéter, mais nous sommes en 2012, que diable, une zone de rencontres, mais pour quoi faire ?  A Namur, ville de mon enfance, berceau de mes premiers pas (je deviens triste là, il est temps que ce billet se termine) on ne se rencontre plus, on ne se salue plus, on ne se regarde plus.
Finalement, cette zone piétonne est devenue une zone de non-droit pour les piétons.  Mais la rue de l’Ange porte désormais vraiment très bien son nom.  Car à voir ce qui s’y passe quotidiennement, que j’observe confortablement assise dans le mastodonte qui me sert de moyen de transport (c’est bien plus secure, comme dirait JCVD), je crains que, dans les semaines à venir, l’un ou l’autre piéton ne soit malencontreusement transformé en ange par ces automobilistes tout puissants.  
C’est malheureusement la seule solution pour que les choses changent : qu’un drame se produise.
Photos de Christian Delwiche, créateur du célèbre site de photos Bia bouquet et de cette page Facebook.  Et puis celle-ci aussi.

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