En ce jour historique [18 janvier 2012, note de l'auteur] où Wikipedia s’est mis hors ligne pour protester contre la censure de l’internet par le gouvernement américain au nom de la «guerre-au-terrorisme», je pense très fort à Ron Paul. je Il est le principal obstacle républicain à l’investiture de Mitt Romney, et pourtant vous n’avez jamais entendu parler de lui. Or il est porté par un réel mouvement de fond. L’économiste Paul Craig Roberts écrit carrément: «L’Amérique a encore une chance, et elle est très mince. Elle peut élire Ron Paul à la présidence, ou sombrer dans la tyrannie».
La tyrannie en Amérique? Sous un président noir, démocrate et prix Nobel de la Paix? Vous délirez!
C’est vrai: je délire. Ce qui suit peut-il être l’œuvre d’un Nobel de la Paix?
Le dernier jour de 2011, juste avant le réveillon, M. Obama signait le «Defense Authorization Bill», une loi martiale permettant la détention indéfinie et immotivée de n’importe quel citoyen américain. Le 4 janvier, il créait un «Bureau antiterroriste» chargé de «renforcer la sécurité intérieure en combattant l’extrémisme violent» dans le pays. On comprend le début de la proposition: il signifie «Etat policier». Mais de quel extrémisme violent l’Amérique a-t-elle été victime depuis l’énigmatique 11 septembre 2001?
M. Obama n’a pas clos le camp de torture de Guantanamo, ni rappelé ses tueurs. Au contraire: par le recours massif aux drones, il a furtivement étendu la zone des tueries — qui n’en sont pas, du moment qu’elles n’impliquent plus de vies américaines — à six pays musulmans. Il a blindé la raison d’Etat face à la loi et bloqué toute procédure à l’égard des criminels du régime précédent, celui de M. Bush. Il a saboté un traité mondial d’abolition des bombes à sous-munitions. Il a ratifié tous les abus israéliens. Et il a légitimé l’assassinat sommaire des «ennemis» de l’Etat américain sur toute la planète.
Par ailleurs, loin du coup de balai dans le guêpier bancaire qu’on attendrait d’un président de gauche, M. Obama a introduit les prédateurs de chez Goldman-Sachs au cœur de l’administration. En faut-il davantage pour pousser les démocrates à désavouer ce tyran? Sans doute, puisque personne, dans son camp, n’a formulé d’objection à cette dérive totalitaire.
En face encore moins, puisque c’est en substance le programme de MM. Romney, Gingrich, Perry et consorts, tous plus belliqueux et plus affairistes les uns que les autres. Eux ou Obama, c’est du kif: le règne sans partage du lobby militaire!
M. Ron Paul, lui, propose le repli des troupes, la fin de l’Etat omnipotent et fouineur, la responsabilisation des citoyens, le retour aux racines de la Constitution. Nous devrions saluer ce vieux jeune homme qui veut raisonner un empire devenu paranoïaque. Or nous l’effaçons de nos écrans, car il n’est pas prévu dans le logiciel et que nous n’avons plus l’intelligence d’observer par nous-mêmes. 2012 pue la guerre et nous y allons tout droit, par paresse mentale.
Le Nouvelliste, 23 janvier 2012.