Aaaah Kalinka Kalinka maïa… Quand j’étais petite, j’aurais bien voulu être sa Kalinka. Maintenant c’est trop tard, je suis grande et Ivan Rebroff est mort depuis le 27 février 2008, il avait 76 ans. Son nom seul me transportait dans des steppes russes aussi blanches qu’imaginaires car dans l’île de Ré, il n’y avait jamais de neige. Je montais à sa suite dans une troïka aux mille clochettes et me désolais de n’avoir pas les “Otchi Tchiornie”, ces Yeux Noirs dont il parlait si bien. Ma grand-mère fredonnait à sa suite des airs où il était question de loups et de renards et je découvrais, étonnée, sur une pochette de disque, que les choeurs de l’armée rouge n’avaient rien des coeurs rouges dessinés dans mon esprit. Je ne connaissais pas l’opéra, j’aimais pêle-mêle l’opérette, les sopranos et Ivan Rebroff.
Sa voix de baryton basse, souple et étonnament modulée me charmait et je l’aurais volontiers suivie comme les rats de Hameln suivirent le joueur de flûtiau. J’apprends aujourd’hui qu’il dépassait les quatre octaves et demi, ce qui l’avait fait entrer dans l’immonde livre Guiness des records. Il n’empêche que c’était un véritable artiste.
Né Hans-Rolf Rippert, Allemand d’origine russe, il a acquis la célébrité à la fin des années 1960 dans la comédie musicale de Joseph Stein, Le Violon sur le toit, où il est Tevje, le laitier juif ukrainien qui veut marier ses filles. Il incarnera ce rôle à 1 476 reprises et deviendra une vedette internationale. Chanteur d’opéra à l’origine - sa mère était une grande admiratrice de Fédor Chaliapine - il avait été Don Basilio dans Le Barbier de Séville, de Rossini. Une rupture du tendon d’Achille, alors qu’il jouait Jupiter dans Orphée aux enfers de Jacques Offenbach, le contraint à quitter momentanément la scène. Il se consacre alors à l’enregistrement de chansons folkloriques russes, Plaine, ma plaine, La Légende des douze brigands. C’est un succès immédiat.
Colosse barbu - 1,96 mètre et 115 kilos - aux yeux très bleus, il cultivait son aspect slave en portant toque de fourrure et sarrau rouge ou bleu. Ses rondeurs bonhommes et ses “r” roulants comme des tambours le faisaient plus russe que nature. Sa carrière a été exemplaire et on n’en finirait plus de citer les récompenses, les triomphes et les millions de disques vendus. Il n’avait pas l’intention de s’en aller si tôt, puisqu’il avait entrepris une tournée des églises et cathédrales françaises qui ne devait s’achever que fin 2008. Hospitalisé en urgence à Francfort pour un problème cardiaque, il s’est éteint dans sa jolie île grecque de Skopelos où, en bonne diva romantique, il avait élu domicile à l’écart des foules.