Faites comme chez vous!

Publié le 28 janvier 2012 par Bizz
T'es enceinte jusqu'aux yeux. Tu sais que tu peux exploser d'un jour à l'autre. Tu as hâte et peur en même temps. C'est ta première grossesse, c'est normal. Tu t'attends à ce que ce soit douloureux, peut-être long. Tu imagines la scène: toi, sereine, accueillant chaque contraction comme un pas de plus vers la grande rencontre avec ce bébé tant attendu, ton amoureux, fort, te soutenant et t'encourageant avec calme.
Tu as une contraction. Une vraie. Tu l'as bien sentie dans le bas de ton dos jusqu'au milieu de ton ventre. Tu t'emballes. Tu en sens une autre. Oui, c'est l'heure. Il faut te rendre à l'hôpital. Tu avais déjà tout préparé: ta valise, celle du bébé, des petits plats pour ton retour à la maison. Tu es prête. De toute façon, prête, pas prête, faudra quand même que tu pousses, c'est la loi de la nature. Tu respires. Oui, tu es prête.
Oh ma chère! Tu es prête à accoucher, certes, mais tu ne t'attends pas à ça. À l'hôpital, je veux dire. À l'hospitalité dont tu devras faire preuve, pour être plus précise. Être accueillante jusqu'au plus profond de toi.
À peine entrée dans ta chambre, celle où tu contracteras, que tu quitteras pour revenir avec un bébé, où tu ne dormiras pas les premières vingt-quatre heures (l'adrénaline) et pas plus les heures d'ensuite (la visite, le bébé, les infirmières, le médecin, alouette), on te dira d'enfiler une jaquette. Oui, celle qui montrera tes fesses. Tu l'enfileras sans protester. De toute façon, les contractions ne te permettront pas de protester. Entre chacune d'elles, t'auras tout juste le temps de demander de l'eau (ou l'épidurale, c'est selon).
C'est là que ça commencera.
On te dira de t'allonger. On te branchera toutes sortes de machins sur le ventre. Jusque là, ça ira. Puis, on te demandera d'ouvrir les jambes. On y enfoncera des doigts gantés. On les retirera. Tu fermeras tes jambes. On ne sera pas sûre, alors on demandera à l'infirmière en chef de venir vérifier. À nouveau, tu ouvriras tes jambes. On y enfoncera de nouveaux doigts gantés. On les retirera. On te dira où en est le travail.
On recommencera le manège souvent. Jusqu'à ce que tu traverses dans la salle d'accouchement.
Là, les contractions seront si fortes que t'en auras rien à battre qu'on voit tes fesses quand tu passeras devant les autres chambres. Une chance que ton amoureux sera là pour sauver l'honneur de ta raie. Dans la salle, ce sera pas mieux. On te proposera des positions pour soulager la douleur et faire avancer le travail. Des positions que tu exécutes habituellement dans l'intimité très intime de ta chambre à coucher. Tu acquiesceras et te mettras en position, parce que t'auras foutument hâte que tout cela finisse. Pour finir, tu seras à moitié nue (ou carrément) pour pousser, le visage défiguré, de la sueur plein les cheveux. Si tu pensais que tu ne pourrais jamais être aussi moche que lorsque tu vas chez la coiffeuse et que t'as du papier d'aluminium plein les cheveux, tu te trompais.
On te mettra sur le ventre un bébé gluant. T'auras à peine le temps de couvrir tes seins que déjà, le papa prendra des photos. Sur le coup, tu t'en foutras un peu de ta tenue indécente, tu seras tellement heureuse d'avoir enfin ton bébé. Plus tard, par contre, tu seras un peu gênée en regardant les photos avec ton beau-père. On te proposera de l'allaiter. On t'aidera si tu acceptes. On te prendra le sein, te pincera le mamelon. Le papa sera toujours là avec son appareil-photo. Sur le coup, t'en feras pas un drame: tu voudras juste que bébé boive. Plus tard, par contre, tu seras un peu gênée quand ton amoureux montrera les photos à ces vieux amis ou que tu reverras les infirmières à l'épicerie.
Après, tu retourneras dans ta chambre. On viendra régulièrement t'examiner jusque dans ton toi intérieur. Les premières visites commenceront. Tu seras encore en jaquette. T'oublieras parfois de couvrir tes jambes avec la petite couverture, alors ça donnera de drôles de photos. Tu donneras le sein devant la visite. Ta technique ne sera pas tout à fait au point, alors on verra parfois un bout de mamelon. C'est que, absorbée par l'importance que bébé boive, t'en oublieras que ce sont des seins et non pas seulement une extrémité pour nourrir.
On t'examineras régulièrement jusqu'à ta sortie. On t'aidera peut-être à faire ta toilette ou à uriner. Dans les cas extrêmes, on t'apportera même du soutien pour les numéros 2, quitte à fouiller dans ton intérieur. Tu n'auras plus aucun secret pour les infirmières.
T'en auras même oublié ce qu'est la pudeur.