Magazine Journal intime

Je me trouve grosse, mais je ne me révulse pas encore

Publié le 28 janvier 2012 par Anaïs Valente

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Je me trouve grosse.  D’après mon IMC, je ne le suis pas, enfin pas trop.  J’ai un IMC de 21,61.  Normal, d’après les standards.  Mais je suis mal proportionnée, j’ai un physique de poule, même si ça fait rire Mostek quand je le lui dis.  Je vous le jure, j’ai un physique de poule : un gros corps sur des pattes maigrelettes.  Si j’étais croyante, je dirais que Dieu m’a faite ainsi (à son image warf warf) et que je m’accepte comme telle.  Mais bon, chuis pas trop croyante.  Je suis une poule.  C’est dramatique mais c’est ainsi. 

Le malheur, c’est que c’est la vie (et tout ce qui surgit d’elle : les mecs, la mode, les magazines, les médecins, la famille…) qui nous file des complexes.

A 14 ans, je me croyais jolie.  Dingue mais vrai, je l’ai même écrit dans mon journal intime de l’époque.  Puis j’ai commencé à sortir en boîte avec mes copines de classe, et j’ai compris que je ne l’étais pas, jolie. Les mecs draguaient mes copines, pas moi.  Les mecs offraient des verres à mes copines, pas à moi.  Les mecs embrassaient mes copines, pas moi.  Les mecs baisaient mes copines, pas moi.

J’ai donc compris que j’étais un thon.  Merci les mecs.

A 14 ans, je me croyais normale.  Normale au sens où l’entend toute balance.  D’un poids normal quoi.  Jusqu’à ce que les médecins ne cessent de me répéter « faut grossir », « faut manger », « faut vous épaissir un peu », « trop mince », « trop maigre ».  Pas anorexique non, ça n’existait pas à mon époque, juste peu d’appétit, n’aimant rien, mangeant peu, c’est ainsi.  Si on ne m’avait pas sans cesse répété que je devais grossir, je ne serais peut-être pas devenue une poule.

J’ai donc compris que j’étais un échalas. Merci les docs.

A l’heure actuelle, je suis un thon à morphologie de poule, avec des rides en pleine croissance et des nibards qui tirent la tronche.  Merci la vie (et accessoirement les lasagnes Farniente, les M&m’s, les chipito à la cacahuète et les manons de Léonidas).

Car oui, depuis lors, j’ai grossi.  J’ai pris du cul, tant mieux, c’était complexe de me trouver des fringues, avant.  J’ai pris des nibards, très embêtant puisque, de nos jours, même un taille 42 ne peut contenir qu’un bonnet A, va comprendre.  J’ai pris du bide, ça c’est mon enfer personnel et quotidien.  J’ai pris des rides, c’est mon enfer à venir, je suppose, dans une société où un homme qui vieillit gagne en charme, une femme qui vieillit se transforme en pomme plus trop comestible.  J’ai pris des années et grâce à ces années j’ai enfin compris que si ce n’est qu’en grandissant qu’on se ride, que nos loches flirtent avec le sol, et que la décrépitude nous guette, c’est pour que la sagesse des années qui passent nous aide à l’accepter.  A tenter de l’accepter.

La question que je me pose est : comment font les ados, de nos jours, pour ne pas tomber dans l’obsession de la balance, de la beauté, de l’apparence ?  Passque de mon temps, l’anorexie, c’était une bestiole d’un pays lointain ou une bactérie inconnue, de mon temps des fringues en 38, c’était un vrai 38, pas un 38 qui boudine celles qui font du 36, de mon temps les catalogues et les défilés montraient des femmes presque normales, pas des IMC de 16.

Malgré tout, je me trouve grosse, et quand je découvre un article parlant d’une jolie pub pour des fringues pour rondes (enfin pour grosses, car grosse n’est pas un mot interdit, que je sache, d’ailleurs, y’en a un peu marre de devoir dire « ronde » au lieu de « grosse », « black » au lieu de « noir », « non voyant » au lieu de « aveugle ») en des termes aussi durs que « cela me révulse », je m’interroge sur le pourquoi du comment d’une telle haine.  

On peut aimer les gros ou les minces, les bruns ou les blonds, les poilus ou les glabres, les yeux bleus ou les bruns, les chauves ou les chevelus, les goûts et les couleurs hein…  moi j’aime les grands bruns chauves pas rasés mais sans poil à yeux foncés… qui sait si je ne finirais pas mes jours (et mes nuits) avec un petit blond hyper poilu aux yeux bleus ?  J’aimais les minces… avec le temps je me sens de plus en plus attirée par le côté nounours des plus rondouillards… ce qui prouve que tout évolue, même les goûts et les couleurs.  Et les goûts et les couleurs des autres, je m’en moque comme de ma première tétine (et même, ma première tétine, si elle fait encore partie de ce monde, j’aimerais la retrouver), mais pourquoi ressentir le besoin d’exprimer un tel dégoût ?  Si proche de la haine… Quel intérêt ?  Quel but ?  Voilà ma seule question : pourquoi ?  Si vous avez la réponse, je la veux bien…

Et si vous vous demandez pourquoi j’ai écrit ceci, c’est simplement en réaction à cela (paru sur le site du Nouvel Obs).  Un article qui, somme toute, n’est pas si monstrueux que le buzz le laissait entendre, mais qui comporte quelques perles de l’ignominie anti-grosse.  Et puis moi, cette pub animée, avec cette « grosse » qui se dandine, ben j’aime.  Cette femme, je ne la trouve pas ridicule, je la trouve belle.  Elle a pas un physique de poule, elle.  Alors, on se fout de savoir si les hommes préfèrent les grosses ou les minces.  On s’en fout !   Y’a pas de « vraies » femmes, y’a que des femmes, grosses, minces, maigres, par choix, par métabolisme, par maladie, par envie, et y’a les hommes qui les aiment, pour leur image, mais aussi, et surtout, pour ce qu’elles ont dans les tripes, dans le cœur et dans le cerveau.

Na.

« Cette grosse qui remue me révulse : je ne supporte pas la pub Castaluna

En ces temps aseptisés, il convient d’aimer tout le monde et de respecter les différences. Mais là trop, c’est trop… de kilos. Je déteste la pub de Castaluna.

Si vous ne l’avez pas vue, vous ne connaissez pas votre bonheur. C’est un clip qui met en scène une femme trop grosse, pardon, bien en chair, ou mieux présentant une surcharge pondérale. Et elle danse.

A la limite, elle ne bougerait pas, ce serait encore tolérable. Mais non, elle remue. Et ses formes plus que plantureuses aussi. Bien que corsetées, contenues par tous les moyens textiles modernes, ses chairs flottent et le résultat me révulse.

Alors je comprends bien que durant des années, les femmes qui font plus que du 44 ont été rejetées, brimées, moquées, raillées, limite persécutées. Il était temps qu’elles prennent leur revanche, puisqu’elles sont de plus en plus nombreuses. La faute à une alimentation excessive, mais ça chut, il ne faut pas le dire trop fort.

Toutefois, de là à imposer sur les écrans une femme qui se donne pratiquement en ridicule, il y a une marge.

Certes, il est difficile pour une femme qui pèse plus de 100 kilos de se représenter comment serait, sur elle, une robe présentée par une femme de 40 kilos. Mais les « vraies » femmes, comme elles aiment se faire appeler, ne sont plus vraiment à plaindre.

En quelques années, les « rondes » ont réussi à faire passer dans le langage courant qu’une femme normale, mince donc, est une « anorexique ». Comme si faire attention à sa ligne était une maladie.

Autre affirmation véhiculée par les défenseurs des autoproclamées « vraies » femmes : elles plairaient davantage aux hommes que ces brindilles qui les narguent.

Chacun le répète pour faire plaisir, mais il est battu en brèche chaque jour. Voyez-vous Brad Pitt ou David Beckham au bras de « rondes » ? Non. Dès qu’un homme a le choix, il préfère être vu en compagnie d’une femme mince.

Alors, je le sais, c’est très méchant. Mais voilà je n’aime pas cette pub. »

En guise de conclusion, un extrait de la réponse de la fondatrice de cette ligne de vêtements, qui mérite réflexion : "Notre monde est capable de commercialiser des armes, des organes humains, et des enfants pour répondre à une demande. Mais des vêtements pour les rondes, non, quand même, c’est vraiment trop dégoûtant…."


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