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Jean-Christophe

Publié le 30 janvier 2012 par Araucaria
Jean-Christophe
Né dans une famille de musiciens réputés, Jean-Christophe semble s'intéresser tout jeune à cet art... Il va alors être contraint par son père d'apprendre le piano et va devoir s'exhiber devant le public.
Je souhaitais depuis de longues années découvrir ce livre. Il me semble que j'en avais étudié des extraits par le biais de livres de lectures alors que j'étais à l'école primaire. Ce texte a tout juste 100ans. Peut-être a-t-il mal vieilli, j'ai été un peu déçue, car je lui ai trouvé des longueurs..
"Jean-Christophe" est un livre imposant. Il comprend trois tomes, soit plus de 1500 pages. Nous suivons le héros de sa naissance à sa mort.
Le premier tome, consacré à la jeunesse du musicien est la partie qui m'aura le plus intéressée et pour laquelle j'ai ressenti le plus d'émotions.

Extrait :

"L'ouverture recommença et finit, cette fois. C'était au tour de Christophe. Melchior avait ingénieusement combiné le programme de manière à mettre en valeur à la fois la virtuosité du fils et celle du père : ils devaient jouer ensemble une sonate de Mozart pour piano et violon. Afin de graduer les effets, il avait été décidé que Christophe entrerait seul d'abord. On le mena à l'entrée de la scène, on lui montra le piano sur le devant de l'estrade, on lui expliqua une dernière fois tout ce qu'il avait à faire, et on le poussa hors des coulisses.
Il n'avait pas trop peur, étant depuis longtemps habitué aux salles de théâtre; mais quand il se trouva seul sur l'estrade, en présence de centaines d'yeux, il fut brusquement si intimidé qu'il eut un mouvement instinctif de recul; il se retourna même vers la coulisse pour y rentrer; il aperçut son père qui lui faisait des gestes et des yeux furibonds. Il fallait continuer. D'ailleurs, on l'avait aperçu dans la salle. A mesure qu'il avançait, montait un brouhaha de curiosité, bientôt suivi de rires, qui gagnèrent de proche en proche. Melchior ne s'était pas trompé, et l'accoutrement du petit produisit tout l'effet qu'on en pouvait attendre. La salle s'esclaffait à l'apparition du bambin aux longs cheveux, au teint de petit tzigane, trottinant avec timidité dans le costume de soirée d'un gentleman correct. On se levait pour mieux le voir; ce fut bientôt une hilarité générale qui n'avait rien de malveillant, mais qui eût fait perdre la tête au virtuose le plus résolu. Christophe, terrifié par le bruit, les regards, les lorgnettes braquées, n'eut plus qu'une idée: arriver au plus vite au piano, qui lui apparaissait comme un îlot au milieu de la mer. Tête baissée, sans regarder ni à droite ni à gauche, il défila au pas accéléré le long de la rampe; et arrivé au milieu de la scène, au lieu de saluer le public, comme c'était convenu, il lui tourna le dos et fonça droit sur le piano. La chaise était trop élevée pour qu'il pût s'y asseoir sans le secours de son père: au lieu d'attendre, dans son trouble, il la gravit sur les genoux. Cela ajouta à la gaieté de la salle. Mais maintenant, Christophe était sauvé: en face de son instrument, il ne craignait personne.
Melchior arriva enfin; il bénéficia de la bonne humeur du public, qui l'accueillit par des applaudissements assez chauds. La sonate commença. Le petit homme la joua avec une sûreté imperturbable, la bouche serrée d'attention, les yeux fixés sur les touches, ses petites jambes pendantes le long de la chaise. A mesure que les notes se déroulaient il se sentait plus à l'aise; il était comme au milieu d'amis qu'il connaissait. Un murmure d'approbation arrivait jusqu'à lui; il lui montait à la tête des bouffées de satisfaction orgueilleuse, en pensant que tout ce monde se taisait pour l'entendre et l'admirait. Mais à peine eut-il fini, que la peur le reprit; et les acclamations qui le saluèrent lui firent plus de honte que de plaisir. Cette honte redoubla, quand Melchior, le prenant par la main, s'avança avec lui sur le bord de la rampe et lui fit saluer le public. Il obéit et salua très bas, avec une gaucherie amusante; mais il était humilié, il rougissait de ce qu'il faisait, comme d'une chose ridicule et vilaine."
(...)


Romain Rolland - Jean-Christophe (tome 1) - Le Livre de Poche n° 734/735 -

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