Aujourd'hui, c'est jeudi et comme tous les jeudis, voici la nouvelle du jeudi. Bien entendu, vous pouvez lire ou relire les précédentes nouvelles en cliquant sur
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Extra cosmos
Céline brancha la veilleuse. La chambre plongée dans la pénombre s’auréola progressivement d’une douceur océanique. La jeune femme s’approcha du lit et fit
une caresse sur le front de Léa. Tandis qu’elle remontait la couette, elle remarqua la boule à neige que tenait fermement sa fille de ses petites mains potelées. Céline esquissa un sourire et
laissa l’objet chéri près de son ange. Avant de fermer la porte, elle jeta un dernier regard vers ce monde serein, peuplé de songes innocents et de rêveries enfantines, qui donnait à sa vie une
grande plénitude.
« Au cœur de la vallée verdoyante, les maisons d’allumettes arboraient des couleurs pimpantes et sucrées. Une charrette sillonnait le chemin de gravier et s’arrêtait à toutes les maisons pour
délivrer le courrier.
- Holà… Bien le bonjour madame Camomille ! V’là vot’ courrier du jour.
- Merci bien monsieur le facteur. Beau temps, n’est-ce pas ?
- Bah, comme d’habitude, notre printemps radieux avec sa sempiternelle neige qui tombe continuellement. Adieu madame !
Le charroi poursuivit sa route et croisa une petite fille, vraisemblablement perdue, qui portait une drôle de combinaison bleu ciel flanquée d’oursons bruns.
- Holà… petite! Que fais-tu ici toute seule ? Où sont donc ton bonnet et ton manteau ?
La petite fille regarda curieusement l’homme sur sa charrette mais ne sut quoi répondre.
- Tu es bien muette. Quel est ton nom ?
- Z’m’appelle Léa.
- Allez monte, on va distribuer le courrier ensemble et peut-être que tu reconnaîtras ta maison, hein ?
Léa hocha la tête en souriant timidement. A toutes les maisons, le facteur présentait sa petite passagère mais aucun des habitants de la vallée ne semblait la connaître. Léa ne s’en souciait pas
et appréciait le voyage en charrette cahotant sur les graviers. De temps en temps, elle recueillait dans sa main un peu de la neige qui tombait. Cela avait un goût sucré comme les gâteaux que lui
faisait sa grand-mère autrefois. Le charroi approchait bientôt de la forêt et s’arrêta à la dernière maison, tout en haut de la vallée.
- Holà… Bonjour madame Jasmin.
- Bonjour, bonjour ! Mais que fait Léa à vos côtés ?
- Ah enfin, quelqu’un pour la p’tite ! Elle était perdue plus bas, sur le chemin.
- Mamie, mamie… ! s’époumona Léa en se précipitant dans les bras de sa grand-mère.
Mamie Jasmin donna congé au facteur en le remerciant d’avoir pris soin de sa petite fille. Elle l’emmena dans sa maison d’allumettes qui sentait bon les fleurs et les gâteaux. Elle lui expliqua
qu’il lui était impossible de vivre dans la maison que Léa avait connue, que sa demeure était désormais dans la vallée. Léa écarquilla ses yeux en amande et s’empressa de demander comment elle
pouvait lui rendre visite les prochaines fois puisque ce n’était plus la même adresse. Mamie Jasmin sourit et caressa les cheveux dorés de sa petite fille.
- Tout simplement, en pensant très fort à moi, mon petit ange. »
Céline débrancha la veilleuse. Les lueurs du matin passaient avec espièglerie à travers les rideaux de la chambre de Léa. Elle s’approcha du lit et remarqua que la boule à neige avait glissé des
mains potelées de sa fille. La boule gisait parterre, la vitre était cassée et le liquide parsemé de neige artificielle s’était répandu sur la moquette. Les petites maisons d’allumettes s’étaient
décollées du socle et ne ressemblaient plus vraiment à des maisons. Céline ramassa la boule et son contenu éparpillé pour aller le jeter.
Léa, se levant comme une grande, trouva sa mère dans le couloir avec les morceaux de la boule à neige dans la main. La petite fille se mit à pleurer en grommelant « Z’pourrais plus voir Mamie, la
maison de Mamie z’est cassée ». D’un bras réconfortant, Céline entoura sa fille et lui chuchota « Non, ma fille, Mamie est toujours là. Il suffit que tu ne l’oublies pas ».