L’agenda de l’apprenti écrivain (3 janvier) : quatre mots

Publié le 01 février 2012 par Anaïs Valente

« Notez rapidement quatre mots sans réfléchir et mettez-les en scène dans un texte. »

Mes mots spontanés sont : aimer - poulet - canapé - mousse

Mon texte, ou plutôt ma réflexion bizarre et totalement sans queue ni tête, mais spontanée :

Argh, my god, je n’aurais jamais dû me plier à cet exercice en matant le premier épisode de Top chef. 

Comment voulez-vous sortir du joli mot, de l’intelligent mot, du censé mot, du parfait mot, tout en regardant des cuisiniers préparer des recettes en s’énervant comme des damnés sur leur chronomètre, leur viande pas cuite et le jury qui les attend au tournant ?

En plus, y’a rien de pire que de noter rapidement quatre mots sans réfléchir.  Car, bien sûr, en voulant ne pas réfléchir, je ne fais que ça, réfléchir.  Et de me dire « allez, spontanéité, ne réfléchis pas », sans trouver le moindre mot, puis de sortir ces quatre mots, en réfléchissant à la façon de ne pas réfléchir, en vain.

Moi, j’aurais voulu vous écrire du sensuel, du sexy, du romantique, du rhaaaaaaaa, du rhooooooo, mais mes mots riment tellement avec cuisine que je pourrais me contenter de vous pondre un truc débile du genre « j’aime les canapés au poulet surmontés d’une mousse à l’estragon », et le tour serait joué.

Mais je voulais du sensuel et du sexy, je vous dis.  Je voulais de la créativité.  Pas culinaire, la créativité.  Littéraire.

Raté.

Pourtant, un canapé, ça ne sert pas qu’à être mangé.  Un canapé, vous pouvez vous y lover, avec celui que vous aimez, lui susurrer des mots doux, le câliner doucement, le titiller, lui mordiller les lobes d’oreille, le déshabiller sauvagement, excitée par ses mots soudain devenus moins doux, puis vous livrer ensemble à des choses, rha des choses… enfin, je ne vais pas vous faire un dessin.  Un canapé, c’est ça aussi, et pas qu’un bout de pain garni.

Et puis le poulet, ça n’est pas qu’un volatile qui finit dans un estomac.  Bien sûr, vous pouvez le dévorer, point barre, avec ou sans sauce, à l’étouffée ou rôti, avec des frites ou de la purée.  Et l’affaire est dans le sac, ou plutôt la bête est dans l’estomac.  Mais vous pouvez aussi le déguster, le savourer, le dévorer lentement, en profitant de toutes les saveurs, de toutes les odeurs.  Sans couverts.  Avec vos doigts, qui se retrouveront bien vite couverts (notez ce formidable jeu de mots : sans couverts mais à doigts couverts) de jus, que vous lécherez alors avec un plaisir non feint.  Divin.  Sensuel.  Oui oui oui, je parle toujours de poulet, là.

Et puis la mousse, ça n’est pas qu’une recette de cuisine, que nenni.  La mousse, elle peut être humée.  Elle peut être touchée.  Elle peut être prise dans le creux de la main et envoyée doucement dans l’atmosphère, juste pour le plaisir ;  Elle peut être dans un bain, la mousse.  Un bain moussant, ça s’appelle.  Elle le parfume. L’embellit.  Le colore. Ajoutez-y une musique douce.  Une petite bougie.  De l’eau de l’eau de l’eau.  Et puis laissez cette mousse déborder lorsque vous plongez le premier orteil dans cette eau trop chaude, puis le second, puis tous les autres.  En parlant d’autre, s’il y a de la place pour deux, dans cette mousse, n’hésitez pas, appelez-le.  En l’attendant, une fois étendue, fermez doucement les yeux, et puis rêvez…

Rêvez que vous mangez un canapé au poulet surmonté d’une mousse à l’estragon.

Et c’est bon.  Tellement bon.  Si bon.

Et la boucle est bouclée.