La fin justifie-t-elle les moyens ?
Au delà du sujet de composition philosophique sur lequel des cohortes d'écoliers firent leurs premières armes dialectiques et qui, sans doute, a de beaux jours devant lui ; le visionnage ces deux dernières semaines de la série "Les hommes de l'ombre" sur France 2 amène à se poser la question.
Mettant en scène les "spins doctors" de candidats à l'élection présidentielle, cette série présente tour à tour ces gourous de la communication comme prêts à tout pour vendre aux électeurs leurs champions qui, complices serviles et résignés, sont relégués au rang de produits à marketer, à lisser, à empaqueter du plus beau ruban qui soit.
Triste spectacle que celui qui met en scène l'affirmation d'Alain selon laquelle "si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument". Triste spectacle également que celui qui consacre l'image, encore et toujours, primant par dessus tout sur l'action et le sens.
Mais blamer la fiction serait un peu facile. Car si la série montre des hommes qui cisèlent, avec talent, les mots comme une pièce de dentelle pour les placer sous la langue de leurs candidats sans que ceux-ci n'y croient mais ; en cela elle n'est que le reflet amer d'une réalité bien solide qui puise sa source dans les plus hautes sphères de notre Etat.
Ne vois-t-on pas depuis 5 ans la plume d'un président qui désormais revise son imparfait du subjonctif pour faire "Président" pérorer, alors qu'il n'a aucune légitimité démocratique, sur tous les plateaux TV et radio ? Ne peut-on se demander parfois si c'est le Président qui pense la France ou son conseiller "spécial" ? N'assiste-t-on pas depuis 5 ans au déploiement d'une formidable machinerie nuisible qui a transformé celui qui jadis jouait le rôle de médiateur de la parole politique en prescripteur de cette parole ?
Sans pousser l'analyse bien loin, on peut y voir la marque d'un style qui, fasciné par l'atlantisme, en a retiré cette tendance nauséabonde d'un monde où la démission du politique face au marketing est devenue la norme, et où, de fait, une bonne moitié de citoyens ne votent plus.
Exprimer et traduire le sens de l'action publique sans jamais s'aventurer dans l'intention d'agir ; telle doit être la borne de la communication politique. Car les deux termes sont séparés par le plus beau des sacre, celui du suffrage universel. Parce que la série de France 2 fait miroir aux excès d'une réalité malsaine, en cela elle est salutaire. Il est toujours utile de rappeler que conseiller et décider ne doivent pas se confondre. Et que pour le salut démocratique, la lumière n'est pas faîte pour les hommes de l'ombre.