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Contemporain… (émotions stéréotypées et émotions réelles)

Publié le 05 février 2012 par Paumadou

Aujourd’hui, j’ai assisté à la dernière représentation de Passion, un opéra de Pascal Dusapin à l’Opéra de Lille.

Outre le fait que c’est une musique que je qualifierais de « typique Ircam » (franchement infect pour qui ne s’intéresse pas à la musique contemporaine, avec de la spacialisation sonore à coups de haut-parleurs et de bruits – ce qui n’est pas forcément mauvais, mais doit être bien utilisé, là, j’avoue, je n’ai rien « ressenti » de particulier – Austerlitz de Jérôme Combier en novembre était bien plus accessible et provocateur d’émotion), la mise en scène était chorégraphiée par une chorégraphe de danse contemporaine, Sasha Waltz.

Du contemporain pur et dur donc… Austerlitz aussi l’était (musique contemporaine et spacialisation-vidéo contemporaine) et je l’ai trouvé bien meilleur. Sans doute suis-je complètement et irrémédiablement hermétique à la danse contemporaine… Il y a quelques bonnes idées, quelques beaux mouvements, mais ils sont rares et noyés dans l’exagération permanente.

Une chose surtout m’a choquée : il s’agit (d’après les critiques que j’en ai lu a posteriori) qu’une vision du mythe d’Orphée et Eurydice, d’un point de vue d’Eurydice.

J’avoue avoir parfois, pendant l’opéra, pensé « Tiens, on dirait une influence de l’Orfeo de Monteverdi » Ok, j’avais vu juste. Par contre, pour le « point de vue d’Eurydice », je reste sans voix…

Cette mise en scène (cette oeuvre en générale d’ailleurs, il n’y a qu’à lire le livret et écouter la musique) pose un point de vue particulièrement stéréotypé et sexiste (surtout la mise en scène, là)

Lei (Elle) est toujours à se rouler par terre, sa robe se relevant sans cesse pour découvrir ses jambes. Certes, ça pourrait être beau visuellement… mais vous ne verrez jamais des jambes d’hommes se tordre durant l’heure et demi que dure le spectacle.

Les hommes restent tous vêtus des chevilles au col, même lorsque les vêtements sont couleurs chair et qu’on les voit à peine. Ils ne se trémoussent pas sur le sol et, ma foi, font un peu guindé, pot de fleurs (chorégraphique, les pots de fleurs)

Lui (allégorie d’Orphée donc) est toujours vêtu, jamais on ne verra autre chose de sa chair que ses pieds, ses mains, son visage. Lei est en body (chair, rouge, blanc), épilée impeccable et s’offre même le luxe d’enfiler sa dernière nuisette ras la foune sur scène.
Les danseurs sont habillés selon cette même dichotomie : hommes couverts, droits sur leurs jambes, femmes robes fendues décolletées sur des bodys couleur chair. En gros, les hommes sont réfléchis, sensés (sont des hommes quoi !) et les femmes sont des trucs qui se tordent sur le sol, se font portées comme des sacs (quelques rares portés masculins… peu intéressants d’ailleurs), mais qui font attention à leurs tenues « érotisantes » (c’est pas avec un costard complet que Lui va être « érotique »… sauf dans une relation hiérarchisée… et donc dominée par l’homme)

Les six chanteurs du choeur ne s’en sortent pas tellement mieux : les hommes sont vêtus de grandes capes/cagoules (gants ?), les femmes robes décolletés/fendues ainsi qu’un improbable costume de barbapapa (père) pelucheux vers la fin du spectacle (3 chanteuses par ailleurs repoussées en coulisse comme de vulgaires sacs de patates).

Et voilà que cet « Eurydice et Orphée » vu d’un point de vue féminin, se résume à une vision « passionnelle » stéréotypée : la femme, ramenée dans son corps qu’elle est incapable de maîtriser autrement qu’en l’investissant totalement au point d’être déchirée par la passion – et ne plus savoir bien ce qu’elle dit, quand l’homme reste debout, vêtu, bref, reste humain donc. Ça pourrait être intéressant si c’était une critique sexiste de la passion amoureuse qui se déroule entre eux. Sauf que non, pas de critique, c’est juste… sérieusement ennuyeux (et machiste).

Ah, oui, parce que j’oubliais aussi : la fin voit une danseuse finir à poil sur la scène. Certes, le mouvement est beau, mais on le voit arriver des kilomètres à l’avance (oh, tiens, elle revient… et puis elle lève les bras… oh, comme par hasard, sa robe s’envole avec la cinquantaine de ballons à l’hélium accroché dessus, oh tiens comme si je l’avais pas vu venir ! elle est toute nue dessous ! 

Sarcasm
)

A quand un danseur bien fait qui danse tout nu sur scène ? (parce que nous aussi, les filles, on aime se rincer l’oeil !)

Non, allez plutôt voir Austerlitz de Jérôme Combier, si jamais ça passe par chez vous, c’est accessible d’un point de vue artistique (musical, littéraire et projection vidéo-photos). Plus « simple » (pas simpliste, mais surtout pas « prise de tête-dolicrâââne-réflexions profondes »), plus agréable et surtout beaucoup plus porteur d’émotions (on ne parle pas de femmes énamourées qui se tordent en hurlant sur le sol… et c’est en ça que c’est beaucoup mieux)

Austerlitz (Jérôme Combier | Pierre Nouvel) from Ictus Ensemble on Vimeo.


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