Il y a eu mortalité dans la famille de l'amoureux. Un oncle qu'on ne voyait pas souvent. Que je n'ai jamais vu en fait. N'empêche, c'était le frère de ma belle-mère, nous nous devions d'être à ses côtés pour les funérailles. Nous avons donc bien enveloppé et sanglé Bébé fille et Bébé fiston dans la voiture et sommes partis, pile poil à l'heure des siestes (vous voyez déjà la partie de plaisir qui nous attend, pas vrai).
Au salon funéraire
Personne ne s'est endormi dans la voiture, pas même Bébé fiston qui s'endort habituellement à la seconde où je le dépose dans son siège d'auto. On demande à Bébé fille d'être sage et tranquille. Aussi bien demander à un lion de ne pas manger la gazelle devant lui. Pendant que l'amoureux s'occupe de la partie sociale, moi, je tente de garder le contrôle sur les enfants (et surtout, la tête froide).
«Des f'eurs! Igarde maman, des f'eurs rouges et beues!»
«Bébé fille, ne touche pas aux fleurs. Vient donner des becs à tout le monde. Nooon, on ne grimpe pas sur l'urne.»
«I COURS SU' TAPIS! HAHAHAHA! I COURS SU' TAPIS»
«Bébé fille, ne crie pas. Si tu veux courir, va dans la pièce où il n'y a personne, juste là.»
«Ouan! Ouan! Ouan!»
«Mais non, Bébé fiston. Ne pleure pas. Je vais aller dans la petite pièce tranquille. Viens Bébé fille.»
«Igarde maman! I bois du jus.»
«Oui, je vois. Ça fait quoi, 6 verres de jus que les gens te donnent là? Viens, on va aller aux toilettes.»
«I vi fatiguée, maman.»
«Je sais ma belle. Veux-tu aller dehors un peu?»
«Igarde maman. Une pelle. Hahahahaha! Une pelle. Je voulais la pelle, maman. Je voulais la pelle, maman. Je voulais la pelle, maman. Je voulais la pelle, maman.»
«Ça va, ça va. Prends la pelle.»
À l'église
On traverse enfin à l'église. Je ne sais pas pourquoi j'écris enfin parce qu'il n'y a rien de libérateur dans le fait d'obliger Bébé fille à rester assise ET silencieuse pendant la cérémonie. Au moins, Bébé fiston dort à poings fermés dans son siège d'auto. Aussi bien dire qu'il dormira tout l'après-midi si on ne le sort pas de là. En entrant, nous suivons le cortège avec l'urne devant nous. Le choeur chante je ne sais quelle chanson de cérémonie funéraire. Les yeux sont rivés sur nous tous, la famille proche. Plus particulièrement sur l'amoureux et moi, seuls propriétaires d'enfants en bas âge. L'amoureux tient Bébé fiston et son siège d'auto. Moi, je m'occupe de Bébé fille, solidement accrochée à ma main. Elle entend le choeur qui chante et dit clairement, haut et fort:
«Maman, ils chantent la chanson de l'alphabet.»
Éclats de rire.
«Igarde maman! Des finêt'es de couleur comme à la mison.»
Éclats de rire.
«I veux 'aconter une hispoire, maman.»
Elle prend le livre de prières dans le banc. Je lui demande de s'asseoir calmement et de chuchoter. Je lui montre toutes les personnes qui sont assises en silence et lui dis qu'elle doit faire pareil. Miracle, elle s'exécute. C'est à croire que Dieu existe vraiment. Le choeur arrête de chanter.
«Encowe la chanson, maman. Encowe la chanson, maman.»
Éclats de rire. Une dame près de nous lui envoie des signes de la main.
«Bonjour madame.»
Elle échappe le livre de prières par terre. Je le ramasse et le lui redonne.
«Merci madame maman.»
Éclats de rire.
Le prêtre parle, mais je n'entends rien, trop occupée à distraire Bébé fille qui se rappelle soudain qu'elle déteste être assise calmement ET dans le silence. Soudain, le prêtre se tait. Silence total dans l'église. Je comprends que nous en sommes à nous recueillir dans le silence pour le défunt. Devinez quelle petite voix aiguë on entend alors?
«Caillou, on fait pas pipi dans nos culottes. La p'ochaine fois, tu pourrais aller sur ton pot.»
Sourires camouflés. Tout le monde se doute maintenant qu'elle est l'histoire du soir chez nous. Je sors à la communion. 45 minutes, c'est le maximum que Bébé fille peut endurer. C'est déjà bien pour une petite fille de 2 ans qui a la bougeotte.
À la salle
On se rend à la salle où nous attendent des petits sandwichs-pas-de-croûtes et des salades de macaronis. Bébé fille court dans le corridor. Je la laisse faire, elle ne dérange personne. Je lui prépare une assiette. Inutile, puisqu'elle trouve plus agréable de se faufiler d'une table à l'autre pour manger les bouchées que les autres lui refilent. Incluant des bouchées de gâteaux. Je la surveille du coin de l'oeil et la vois s'approcher dangereusement de la gigantesque poubelle. Elle l'agrippe. Je me précipite et j'ai juste le temps d'intercepter ladite poubelle avant son écrasement au sol. Ouf.
«I vi fatiguée, maman.»
Elle répète cette phrase dix fois, solidement accrochée à mon cou. Bébé fiston a faim. Échange de bébés entre l'amoureux et moi. Je m'installe dans un coin tranquille pour allaiter. J'en profite pour me relaxer un peu et je constate l'ampleur de ma fatigue. J'ai hâte qu'on soit à la maison. J'entends Bébé fille tomber. Pleurer. Demander maman. Bébé fiston a fini de boire. On habille tout le monde. On rentre à la maison.
Une chose est sûre: emmener des enfants à des funérailles, ça met de la vie dans le journée!