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Prévert toujours d’actualité – hélas.

Publié le 12 février 2012 par Actu34

L'université de Malte organise le vendredi 30 mars prochain un colloque intitulé : Du Moi au Monde et retour : identité, altérité et ailleurs dans les années 1920 et 1930. J'y parlerai de Jacques Prévert et de son rapport avec les autres civilisations, de son engagement pour dépasser l'idée reçue que certaines civilisations vaudraient plus que d'autres. Faut-il préciser combien j'aimerais que Prévert, parfois, devienne un peu has been et soit moins d'actualité ?

Une écriture populaire influencée par les hommes des pays loins :
altérité et esthétique dans l’œuvre de Jacques Prévert, 1928-1936.

 

En 1928, Jacques Prévert publie son premier texte dans la revue Bifur ; il se définit alors comme quelqu’un qui « écrit en mauvais français pour de mauvais Français » et ne manifeste par ailleurs aucun désir de voyager. Le rapport au monde de Prévert aurait pu être construit sans référence à l’autre ou à l’ailleurs – il n’en fut rien. Par le biais de ses amis surréalistes, Prévert s’engage contre le colonialisme et s’intéresse dès cette époque à l’esthétique et au rapport à la vie de civilisations géographiquement ou temporellement plus éloignées, ce qui influe fortement sur son écriture. En 1929, il participe à l’aventure de la revue Documents dirigée par Bataille et ses premiers textes côtoient ceux des ethnologues présents dans la revue (Rivet, Schaeffner, Griaule). Les textes de Prévert font le procès de la pensée occidentale ; après les massacres de la Grande Guerre, Prévert cherche à établir un nouveau rapport au monde, plus vivant et plus vrai, largement inspiré des civilisations dites primitives. Parallèlement à ces textes, Prévert écrit  durant les années trente les pièces du groupe d’Agit’prop Octobre, dont Artaud soulignera les similitudes avec le théâtre Balinais.

S’il ne fut pas un voyageur, Prévert se lia d’amitié avec des artistes qui partirent à la rencontre de l’Autre et de l’Ailleurs, et qui revinrent chargés d’images qu’il commenta. Deux exemples : en 1936, Prévert publie dans la revue Minotaure « Terres cuites de Béotie », accompagné de photographies réalisées par Eli Lotar. A une époque où, pour l’homme d’occident, « la Civilisation se confond avec sa civilisation, la Culture avec la sienne propre »[1] et où les peuples exotiques sont perçus « soit comme des "sauvages" incultes et abandonnés à leurs instincts, soit comme des "barbares »[2], Prévert confronte l’art des béotiens à celui des artistes occidentaux qui lui sont contemporains afin de remettre en cause le primat de la civilisation occidentale et de ses productions artistiques. Terre Cuite de Béotie est un véritable manifeste esthétique, un art poétique établi à partir des valeurs de l’autre, telles que les imaginaient alors les avant-gardes. La même année, Prévert écrit le commentaire – anticolonialiste – du documentaire Tenerife, réalisé aux îles Canaries par Yves Allégret. Là encore, l’écriture de Jacques Prévert est largement influencée par la culture du peuple guanche.



[1] Michel Leiris, « La question raciale devant la science moderne » in Races et civilisation, Paris, Unesco 1951, repris dans Cinq études d’ethnologie, Gallimard, Paris, coll. Tel, 1988, p. 33.

[2] Ibid., p. 34.


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