(Finalement, j’ai trouvé un autre texte qui pouvait coller à la thématique… donc le voici en bonus – et qui est plutôt optimiste celui-là – ce texte est extrait du recueil 4 histoires de couples presque heureux – à paraître – un jour bientôt, peut-être)
Puis-je encore dire « sur son sein blanc » sans encourir les foudres des politiquement corrects ? Si je décris la pâleur de sa peau, la douceur de son galbe, la douce respiration de son être abandonné à mon regard, ne me reprochera-t-on pas d’être machiste ? De magnifier un corps féminin pour mieux le ramener dans sa chair ? Pour lui ôter son esprit et sa substance ?
Et pourtant, je ne fais que décrire ce que j’aime. Non pas un corps anonyme, non pas une beauté physique idéale et idéalisée, non pas un type de femme qui primerait sur un autre. Je ne fais là que décrire le corps que je désire, d’une femme qui dans son être est désirable. Cette femme dans son entier, je pourrais la célébrer, mais c’est, à cet instant où elle repose, endormie sur ce lit, que j’ai envie de la fixer, de la peindre de mes mots. Parce qu’elle me laisse le temps de la contempler, de l’admirer. Cette femme que j’aime, que je désire.
Sur son sein blanc se repose le mouvement léger de son souffle. Elle dort, et j’observe la nuance de sa peau : d’une chair pâle, aux reflets changeant de vert, de brun ou de rose tout aussi pâles au point qu’ils se mêlent sans que je ne puisse délimiter ni leurs nombres ni leur étendus. Mon amour fuit le soleil, mon amour préfère l’ombre. Les murs blancs, la blancheur des draps éclatent d’une lumière diffuse, mais le soleil reste au dehors. Ce sein est doux, ni trop volumineux, ni absent. Il s’enfuit dans la courbe et se glisse sous un morceau de dentelle. Une fine dentelle foncée qui dépasse sous la robe. Elle n’est pas nue, elle s’est endormie ainsi, épuisée, dans la moiteur de cette après-midi d’été. Ni trop chaud, ni trop frais. Un entre deux qui me plaît. Le ciel est pâle aussi, turquoise veiné de blanc. Et la lumière module sur sa peau la couleur infinie d’une chair qui n’est pas pas blanche.
La dentelle foncée souligne son sein, fait ressortir sa pâleur. C’est sans doute une question de contraste, un trait sombre sur une étendue claire. J’imagine que si j’avais aimé une personne à la peau sombre, j’y aurai trouvé tout autant de nuances, de contrastes et de modulation, les mots ne m’auraient pas manqué, puisqu’ils ne manquent pas à ceux qui observent ce qu’ils aiment. Mon amour n’est pas blonde, n’a pas les yeux bleus. C’est une femme que beaucoup trouverait ordinaire. En demi-teinte. Mais c’est ainsi que je l’aime et désirerais vous la faire aimer.
A quoi me servirait d’évoquer une blancheur qui n’est pas ? Sa peau n’est qu’une accumulation de nuances, ici ou là le rouge, le brun rehaussent l’ensemble. Une veine d’une teinte dégradant le violet, le vert et le bleu en souligne la beauté. Je pourrais comme beaucoup de poète évoquer la courbe parfaite de sa poitrine, le nacre brillant de ses dents derrière des lèvres roses et douces. Mais elle n’as pas de lèvres roses, elles sont un mélange. Elles ne sont pas douces, ni vraiment lisses, mais elles accrochent mon regard comme les ombres qui s’y nichent, et j’imagine alors qu’il est doux de s’y attarder. Ses dents ne sont pas de petites perles enfantines et rieuses. Je les vois rarement, mon amour n’a pas un sourire de magazine, elle n’a pas l’envie de montrer la dextérité de son dentiste au premier venu. Mon amour sourit souvent, comme en ce moment, d’une sourire apaisé, léger qui exprime le bonheur et non la joie exagéré. Je ne décris pas de beauté éternelle ni universelle, j’essaye juste de conserver ses quelques minutes volées au temps, volées au monde. D’en fixer à jamais l’image, pour que plus tard, me reviennent les douces heures en demi-teinte qui bercent plus doucement la vie, que la plus grande des joies.