8 février Le fils du roi - partie 1/4 Le roi du Pays bleu désespérait, à cinquante ans passés, un âge limitement raisonnable pour avoir des enfants. Il avait eu de sa dulcinée, fatiguée de ses grossesses, sept filles, toutes plus belles les unes que les autres, mais incapables de régner à cause de leur entre-jambe déficient. C'était une coutume stupide venue de la nuit des temps qui empêchait les filles de régner. Le jour de ces cinquante-quatre ans, alors qu'il n'y croyait plus, une dixième royale grossesse s'annonça. Deux enfants, dont un garçon étaient morts nés. On déclara ce jour deuil national. Lorsque huit mois après, le bougre était pressé, naquit un garçon en bonne et due forme, le roi rompit un canal de joie et mourut peu après. Donc, ce fut l'oncle, le dauphin qui, en attendant que le prince héritier fut en âge, assura la transition. Le gnard sacré fut élevé par une charmante nourrice qui avait forts beaux seins et fort bon lait, si bien qu'elle dut le nourrir jusqu'à l'âge de six ans. Car sa majesté était capricieuse et rien ne lui était refusé. Il eut un carrosse à pédales le jour de ses cinq ans et ainsi qu'une vraie couronne et un sceptre en or incrusté de pierreries. Il s'amusait avec ses sept chiens royaux, des lévriers de course, qui, en l'occurrence s'avérèrent de charmants lévriers de cours. Les sœurs furent quelque peu oubliées mais ne s'en portèrent pas plus mal. Il apprit à lire, à écrire la danse et la musique à six ans et ma foi, il se débrouillait fort bien. Par contre il digérait mal l'art de la cavalerie, et à dix ans se fracassa le tibia lors d'une vilaine chute et dut rester alité neuf mois. Il ne perdit pas son temps et engloutit Tout un pan de la bibliothèque. C'est dit : il serait écrivain, ou troubadour. Mais la vie en avait décidé autrement. Sitôt droit dans ses bottes il fallut qu'il apprenne les ronds de jambe et les discours creux les bonnes manières et les ordres clinquants : il devrait régner. Avec sa mère qui le suivait comme son ombre, car, dès qu'il fut en âge, c'est elle qui s'occupa de son éducation. Certes il lui fut assez plaisant de marier ses sœurs à de vieux barbons cossus et les nommer comtes de la province qu'ils possédaient déjà. Il envoya à quinze ans son premier bataillon guerroyer en Noirie, seule sa mère savait pourquoi. Mais entre les repas qui n'en finissaient pas, les discours écrits par sa mère et les visites officielles, Marc II s'emmerdait ferme et ses lévriers lui manquaient. Il lisait en cachette et écrivait sous les draps, à la lueur d'une chandelle. Ce qui lui valut une première frayeur royale : les draps s'enflammèrent un soir qu'il s'était assoupi sur sa plume. Il eut juste le temps, réveillé par les brulures de s'extirper de sa couche et de héler moult domestiques. Le parchemin qu'il était en train de gratter fut détruit lui aussi, heureusement, car fort compromettant : il y était souvent question de sexe, et si l'écrivain avait quatre cents et quelques années d'avance sur son temps, l'écrit sentait fort le bûcher. Marc II apprenait vite et accusa un garde de s'être endormi sur son candélabre, provoquant le drame. Le malheureux fut brulé en lieu et place du futur monarque et l'affaire fut classée. A suivre... demain !
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