Résumé: Lau, Jade et Bocho viennent de finir les présentations lorsqu'entrent le Prof, un terrible brigand au visage tranformé, et la cruelle Chouette. Cette dernière en profite pour informer Jade qu'elle n'est pas sa grand-mère et que ses vrais parents sont inconnus. Alors qu'une bagarre est à deux doigts d'avoir lieu entre le Prof et lui, Lau doit fuire car son serviteur Philippin vient de lui annoncer l'arrivée de "Shun et Juan"...
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CHAPITRE VI
Li Shun et Zhen Juan
Les deux fixèrent un instant le Prof, puis tournèrent le visage pour cacher la gêne provoquée par cette vision dérangeante. L’horrible personnage prit cependant le temps de les examiner.
Il s’agissait d’un homme et d’une femme d’une quarantaine d’années, dont la similarité des traits laissait penser qu’ils étaient issus d’une même famille. Pourtant, on lisait assez difficilement dans le regard de l’homme la même froideur que celui de la femme. Lui, maigre et légèrement courbé, recoiffait toutes les dix secondes ses longs cheveux teints en gris. Elle, le regard perçant et terrible, entièrement vêtue de noir, alliait la beauté à une farouche détermination.
« Nous l’avons raté… Et de peu, Juan !, dit-il
-Je le vois bien, je ne suis pas aveugle ! », répondit-elle sèchement.
Ils avaient conversé en mandarin, ce qui laissait imaginer qu’ils n’étaient pas natifs de Hong Kong. Le Prof nota la chose mentalement. Discrètement, comme si de rien n’était, il rejoignit la table où se trouvait la Chouette.
La vieille lui dit tout bas :
« Tony s’est fait serré y a pas vingt minutes.
-Il avait le « paquet » avec lui ?
-Il semble bien, oui. Mais la patronne n’a pas voulu m’en dire plus, elle se méfie de nous.
-Je ne comprends pas pourquoi, dit le Prof avec un sourire. Tu penses qu’elle est de mèche avec la police ?
-Je la connais depuis des années, c’est pas son genre.. »
Le Prof regarda autour de lui. Les nouveaux arrivants semblaient indécis.
« Cette arrestation est regrettable, reprit-il. Ca est l’incident du bus… Une bien sale journée… Et cet abruti qui voulait en découdre avec moi, tu le connais ?
-Non. Semble être le nouveau protecteur de la môme.
-Ca nous fait deux bonnes raisons pour lui mettre la main dessus et lui faire comprendre qui est le patron ici.
-Ouais, mais pour le retrouver, ça va être coton.
-Boucle-là un instant… »
L’intérêt du Prof venait de se porter sur Bocho. Ce dernier venait d’appeler les deux inconnus.
« Je peux p’t’être vous être utile, m’sieur madame. »
La femme fit signe à son compagnon de s’asseoir. Elle prit place à son tour, et fit un chaleureux sourire à Bocho.
« Ce serait avec plaisir. Shun, sers donc un peu de thé au monsieur ».
L’homme s’exécuta. Bocho tapota avec ses deux doigts à côté de sa tasse.
Ce geste pourrait paraître étrange au lecteur qui ne connaît pas les coutumes chinoises. Ce signe familier vient d’un passé lointain, celui d’un Roi qui aimait à se fondre incognito dans le peuple pour mieux le connaître. Pour cela, il fallait que sa garde personnelle et lui-même ne montrent aucun indice concernant leurs véritables identités. Aussi, lorsque dans les tavernes l’Empereur servait parfois le thé à ses hommes, ces derniers qui ne pouvaient se prosterner en public n’avaient rien trouvé de mieux que de tapoter des deux doigts comme le faisait aujourd’hui Bocho.
« Nous cherchons un ami très cher… Nous avons des raisons de croire qu’il était dans les parages il y a peu, dit la femme.
-Un ami très cher ? J’aime ça les amis très chers ! J’ai plein d’amis très chers moi aussi… Peut-être qu’il faudrait m’aider à en faire le tri… »
Sur ce, Bocho se remit à tapoter des deux doigts. Juan regarda son compagnon : celui-ci sortit de son portefeuille un billet de 100 dollars hongkongais.
« Et justement, continua Bocho, l’un d’eux vient de me quitter. Peut-être que vous le connaissez ?
-Avait-il à peu près le même âge que nous ? Plutôt vif et énergique, le visage agréable ? Était-il accompagné d’un vieux Philippin ? »
Bocho se gratta le menton, semblant penser à autre chose. Ses deux doigts se mirent de nouveau à tapoter.
Un autre billet recouvrit le précédent.
« Oui ! Oui, c’est lui ! Une sacrée coïncidence !
-Vous le connaissez bien ?
-Depuis une heure et la raclée qu’il m’a mise, on peut dire que oui.
-Vous avez des raisons de lui en vouloir, donc ? demanda la femme soudainement très intéressée.
-Pas du tout. Il s’est montré fair-play. Sacrée dose de respect, c’est rare. »
Shun murmura à Juan en mandarin : « Il réussit toujours à mettre les gens de sa poche. Il ne change pas, décidemment. »
La femme avait repris son visage dur.
« Vous ne savez pas où il est allé, par hasard ? »
Nouveau tapotement. Nouveau billet.
« Mmh… Non.
-Nous aimerions beaucoup le retrouver, vous comprenez ?
-Bien entendu. C’est un de vos amis, c’est normal. »
Les deux se levèrent de table. La femme tendit une carte personnelle.
« La prochaine fois que vous le voyez, n’hésitez pas à me prévenir, d’accord ? Mon frère et moi saurons nous montrer très reconnaissants. »
Bocho examina la carte :
Z&Z International Ltd.
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Zhen Juan
Account Manager
Lorsqu’il releva la tête, ils avaient déjà disparu.
Le Prof serra le bras de la Chouette.
« Ces deux-là peuvent nous conduire à notre bonhomme… Viens, suivons-les ! J’ai une idée… »
Sans attendre, ils sortirent à leur tour du Printemps Bleu.