Las Bicimamis.
U-Lee et Marilou en font partie. Un groupe monté par cinq personnes, dont U-Lee, il y a quatre mois. Un groupuscule activiste ultra furieux.
Dans la rue, des centaines de paires de billes oculaires épileptiques les dévisagent. Surprise. Consternation. Incompréhension totale. Mais des sourires aussi. Des questions parfois. Des blagues foireuses. Mais la fine équipe a des burnes. Il en faut plus pour les faire osciller.
Premier contact avec ce groupuscule: dimanche 29 janvier 2012, au lendemain du retour à Caracas. Sur la place du Panteón, qui n’est rien de plus qu’une église finalement. La première claque vient du nombre. Une bonne vingtaine. Une meute qui, en quelques minutes, se cale et prend possession des lieux. Quelqu’ils soient. Les gueules ensuite. Étudiante rondelette, crevette garçon manqué, négligée travaillée, rock fan sculptée, girlie en jupette, bimbo brunette. Des peaux laiteuses. Mais aussi: moustachu chevelu, rasta bûcheron, métalleux trapu, dégarni binoclard. Des mollets poilus. Les gueules rougies par une montée de sang. De la sueur partout: les cous, les fronts, les cheveux.
Une meute. En fin de course. Éreintée.
Une organisation de militants. À l’arrivée, des grandes bouffées d’air et des gorgées d’eau. Une nappe prend place sur le sol. Rapidement, de l’eau, des jus de fruit, des gâteaux, des salades, des fruits, des plats cuisinés maison investissent le terrain. Bruissement de sacs plastique en pagaille. Alors toutes et tous posent un cul, progressivement. Et cassent la gueule aux vivres. Pour reprendre des forces.
Des criminels en bande. Les Hell’s Angels ne sont finalement que des gros poilus qui rôtent et qui puent.
Ici, c’est un groupuscule activiste ultra furieux: réappropriation de l’espace urbain par mode de circulation douce.
Les Bicimamis, leur kiff, c’est le bicloune. Les pédales. Le vélo, quoi.
Pure maladie mentale.
Dans un pays où le plein d’essence d’une berline moyenne coûte 40 centimes d’euro. Dans une capitale qui a l’un des taux de criminalité les plus élevés d’Amérique Latine. Dans une zone urbaine plantée au pied d’une montagne, mais pas dans le creux de la vallée. Dans une ville qui dégueule littéralement de bagnoles de sept à vingt-et-une heures. Dans un flux de circulation qui fait passer le périph’ parisien pour une route de campagne dans la Drôme. Dans un air pollué qui irrite les yeux au point d’en chialer de l’encre. Eh bien là, dans ce contexte-là, les Bicimamis ont décidé que le vélo, c’est d’la balle. Pour se ballader. Aller au bahut ou au boulot. Sortir le soir, traîner dans les bars, aller au ciné. Faire ses courses avec son panier ou son sac à dos.
Les Bicimamis rejoignent ainsi un mouvement qui s’amorce depuis deux ans à peine à Caracas.
Le vélo, c’est cool.
Groupes Facebook, comptes Twitter, flyers… Et même une bicy-école, pour aider toutes celles et ceux qui redoutent l’infernale circulation. Un mouvement qui démarre à peine. À des années lumière d’un Vélib ou d’une Vélorution.
Mais dans la place, malgré tout. Une fleur qui pousse dans une fissure de béton.
Les Bicimamis, dans ce truc naissant, se font une petite place. Celles que les femmes, partout, doivent se faire pour exister.
Des meufs. Cool et couillues. Qui n’ont aucunement l’intention de rester planquées chez elles à chier dans leurs bennes, nourrissant leurs peurs. Pas vraiment leur genre.
Revolution will be feminized.
Cinq pépettes qui en ont invité d’autres à faire des ballades en vélo. Tous les dimanches après-midi. Cinq pépettes et d’autres pépettes qui ont des mecs et des potes. Et les ont invité, eux aussi.
Une petite meute qui pédale tous les dimanches. Et pique-nique ensuite. Pour reprendre des forces.
Las Bicimamis?
Les bonnasses à vélo.