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Etat chronique de poésie 1465

Publié le 19 février 2012 par Xavierlaine081

Etat chronique de poésie 1465

1465

Tu fais vœu de silence, disparaît dans l’ombre au moment même où tous allument les lumières. Mais que sont-elles ces lumières qui rejettent dans la pénombre les âmes errantes et affamées ?

Quelle chaleur d’amour peut encore envelopper les jours désespérants où l’ignorance et l’incompréhension s’installent ?

Te voilà un pied de part et d’autre de cette frontière, écrivant sur le front des étoiles des diables de « Je t’aime » à ensorceler les âmes, à damner les corps dans les flammes de cet enfer qui ne connaît aucune liberté.

La condition d’humain devient alors cet écartèlement permanent, ce numéro d’équilibriste où seuls les mieux lotis peuvent bénéficier du bon balancier. Les autres doivent affronter la peur du vide sous leurs pas, et leurs yeux ne savent même plus voir les étoiles brillantes dans un ciel sans lune, tant, la peur au ventre, ils avancent, avec l’assurance du faux-pas imminent.

Et toi, bien au chaud entre tes quatre murs, tu murmures poèmes d’amour, tu proclames tes mots en te drapant dans tes loques d’humanité.

Tu n’es qu’un pitre sur la scène où s’agitent les fantômes de ce qui serait si…

Mais derrière le si rien ne vient jamais, car, comme tous, tu ne sais que faire banderoles de tes mots sans même voir qu’au boomerang de la vie ils se muent en banderilles au flanc de tes congénères.

Toi-même, désormais sanglant, tu titubes en ces avenues que les rapaces survolent.

Tu crois pouvoir parler à l’amie de passage, mais tu sens bien l’oreille dressée dans ton dos, qui avale tes mots pour en faire sa pitance.

Tu crois avoir une pensée, mais tu n’es que le nègre au service de ceux dont le monde dit qu’ils pensent. Ceux-là font bombance de ce que tu es pour assurer leur petit pouvoir temporel.

Ils sont écrivains ou penseurs mais ne savent que plagier tes œuvres de silence.

Tu les regarde faire, tu souris d’un petit rictus triste à leurs faux-semblants, à leurs pantalonnades qui visent à justifier l’injustifiable.

Tu reviens sur tes pas, monte derrière ta table maculée de papiers dont la seule présence te donne le vertige. Tu jette avec la hargne d’un destin funeste tes mots à la figure d’un écran stupide.

Tu ne reviendras pas sur tes pas. La tempête à tout emporté de tes vaines espérances.

Il ne te reste que rêves éparpillés sur la plage d’un bonheur mort.

Tu y as tant cru. Tu as été si souvent déçu. Rien ne peut, ne pourra colmater la brèche ouverte au flanc de ton navire.

Tu sais que ta vie rime avec ce rien, ce néant, cette vocation à l’échec dans un monde qui ne sait assimiler ceux qui lui résistent. Tu n’en es pas, n’en sera jamais.

Tu fuis en courant dans le maquis de tes pensées désordonnées. Tes larmes roulent sur tes joues froides. Tu interpelles le ciel, courbé sur la terre glacée.

Seul les rocs et la neige entendent encore ta plainte.

L’humanité, elle, est déjà happée par d’autres bruits, où les plagiaires bien en vue peuvent poursuivre leur tâche immonde, jetant leur masque à la figure des pauvres ères qui s’émerveillent de leurs minables lumières. Tu n’es rien quand ils sont tout. Tu ne sais rien quand ils savent si bien y faire.

*

Tu franchis temps et espace

Vogues de pays en pays

Tournant dos aux âpres bataille

Voici que guerre est déclarée

Qui se déroule sans armes

Mais tue bien plus qu’en destructions massives

*

Tu tournes le dos à cette ardeur quotidienne

Retournes au silence de la page blanche

Dans le petit matin tranquille

Tu vogues sur des ailes de beauté

En quête de ce profond silence

Où les pensées peuvent agencer des mondes

Rien de plus délicat que de ne pas répondre

D’entrer au plus profond de la solitude

Non pour s’y perdre mais pour s’y rencontrer

Monde

Monde de perdition

Que celui qui ne sait te préserver cet espace

Où aller de toi à toi

Sans intermédiaire ni plate félicitations

*

En ce lieu où n’entrent que bruits feutrés du dehors

A l’heure où le sommeil encore tient entre ses bras

Femme et enfants dans le noir de leur refuge

Ici seulement vient la lente maturation

Où fulminent les pensées

Où la plume trouve son encre

Et le poète son ancre

*

Si loin du rivage que tout en semble apaisé

Manosque, 21-22 décembre 2011

© Xavier Lainé, janvier 2012

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