Je tombe régulièrement sur des cours en ligne (payants !) pour devenir un bon écrivain, ou alors faire fortune sur Amazon en vendant ses livres (grosse arnaque), ou alors beaucoup de livres un petit gratuit puis le suivant payant) sur les trucs et astuces pour bien écrire, d’écrivain, d’écriture hypnomachin-chose… Le dernier (live-tweet-lu sur Twitter dimanche après-midi – 28pages dont 10 pages de promo pour un ebook à 18€ !) m’a quand même fait sauter hors mes gonds, car c’était un amas monstrueux de tout et n’importe quoi. Surtout de n’importe quoi.
Bref, il existe un bon nombre d’arnaques web pour vous vendre une méthode miracle pour booster dans votre écriture.
Soyons honnêtes, je considère que la plupart de ses bouquins sont des nullités et ne vous aideront qu’à vous sentir mieux. Oui, ils peuvent vous apporter le sentiment que l’écriture est faite pour vous, que vous appartenez à telle branche d’auteur (le nombre de bouquins qui fonctionnent sur « listes » catégorisant tout et n’importe comment me fait frissonner). Ils vous vendent du rêve finalement, mais voulez-vous écrire ou rêver d’écrire ?
(ci-dessus, l’écrivain classique qui fait des longues phrases, utilise le passé simple et pas le passé composé et relit Proust à longueur de temps…)
Voilà ce que je peux vous conseiller :
1) Ne dépensez pas vos sous en bouquin sur comment écrire. Lisez de vrais textes, Ecrivez, Relisez, Réécrivez.
2) Vous doutez, c’est normal, ce n’est pas en vous rassurant sur un livre qui dit que… que vous acquiérerez ce qui vous manque : la confiance dans votre boulot ! (la confiance en vous, là désolée, allez plutôt regarder du côté des bouquins de psycho)
3) Ecrire c’est bien, réfléchir à ce que vous écrivez, la manière dont vous le faites et le but poursuivit, c’est mieux. C’est d’ailleurs le seul moyen de vous améliorer
Pour compléter ces conseils (très bateaux, voyez, j’essaye pas de vous embobiner dans des définitions bidons – comme les horoscopes, vous vous y retrouverez toujours), je vous propose 5 exercices d’écriture pour vous aidez à bosser réellement efficacement vos textes.
Exercice 1 : Points de vue images du monde
Prenez une scène banale avec plusieurs personnages (une page max, surtout si vous le faites beaucoup). Réécrivez-là avec à chaque fois un point de vue différent : 1er personnage à la première personne, 1er personnage à la troisième personne, 2d personnage à la première personne, à la troisième, (à la seconde personne même !) un personnage extérieur à la première personne, à la troisième… A chaque fois vous devez avoir une histoire différente, une narration différente. Si vous n’y arrivez pas, recommencez. Chaque vision des personnages est différente : l’un pensera ça, croira que l’autre réagit comme ça, l’un verra tel détail, que l’autre ne verra pas, etc.
Le but de cet exercice, c’est vous faire prendre conscience que l’histoire au fond, c’est rien. Vous pouvez toujours raconter une histoire, ce qui fera de votre texte un bon texte, c’est la manière dont vous la raconterez. La meilleure histoire du monde tombe à plat si elle est mal racontée, alors que vous pouvez faire un chapitre entier sur un plat de lasagnes mal décongelé (oui, je l’ai fait et c’est pas trop mal pour un premier jet)
Exercice 2 : Avoir un but dans la vie …euh dans l’écriture
Choisissez un but à transmettre au lecteur. Vous voulez le faire pleurer ? Rire ? Se questionner sur une question ? Tout ça en même temps, pourquoi pas ? Bref, avant même d’écrire, choisissez votre but et tenez-y vous. Puis tentez de trouver un narration qui convient à votre texte.
Si vous avez fait l’exercice n°1 correctement une bonne centaine de fois, vous comprendrez ce que je veux dire par « choisir sa narration ». Sinon vous choisirez 1ère personne pour impliquer le lecteur et 3ème pour être plus neutre et vous n’aurez rien compris.
Après vous pourrez choisir l’histoire en fonction de votre but et de la narration et l’écrirez. Faites-là lire à quelqu’un, si votre but est atteint et que vous savez exactement pourquoi, c’est bien, vous avez sans doute compris quelque chose. Si vous n’y parvenez pas, demandez pourquoi et la prochaine fois, ajouter aux contraintes, les remarques de vos lecteurs. Si enfin, vous avez réussi mais sans vraiment savoir comment… vous n’avez rien compris, reprenez l’exercice 1 ET 2.
Le but de l’exercice : avoir un but ! Je ne déconne pas, si vous ne savez pas exactement ce que vous voulez faire, vous n’irez pas loin. L’histoire c’est secondaire, tout a déjà été écrit de toutes façons, alors pourquoi vous embêter ? L’important ce n’est pas non plus ce que vous voulez transmettre au lecteur, ça ce sont de belles paroles, tout le monde a un but particulièrement idéal et utopique. La seule chose qui doit vous importer, c’est COMMENT atteindre ce but et surtout, techniquement, acquérir LA MANIERE de le faire ! (Assez de belles paroles, des actes voyons !)
Exercice 3 : Choisir Votre temps (le magazine des vieux): passé, présent, futur
Vous vous souvenez de l’exercice 1 ? Ben prenez une des versions, au pif. Conservez le point de vue du personnage et le type de narration (1ère, 3ère, 2de personne), mais vous allez réécrire cette scène en fonction du temps. Non pas « passé, présent, futur », ça relève de l’exercice de collège. J’estime que pour écrire un texte d’un niveau correct, il ne faut pas se contenter d’une dissertation de collège.
Ce que j’entends par « temps » c’est ceci : le type vit la scène en direct (live, il réagit dans l’instant), pas le temps de penser ou réfléchir à pourquoi comment…, puis dans la deuxième version, le type se souvient d’une scène qui a eut lieu la semaine dernière, puis six mois avant, puis des années avant !
Puis essayez de mixer les versions entre deux des personnages (vous avez déjà leurs points de vue et les narrations de chacuns) pour faire un dialogue de souvenirs de ce qui s’est passé par exemple (ça promet des bagarres à coups de canne et de dentiers pour savoir qui a raison sur les souvenirs)
Pourquoi pas dans le futur aussi ?
Le but : vous faire comprendre que le déroulement chronologique des faits, ce n’est pas ça qui fait l’histoire. Vous voulez du flash back ? Les souvenirs ne reviennent parfois pas dans le bon ordre. Parfois même ils confondent plusieurs situations, plusieurs époques, ils sont trompeurs. Vous pourriez avoir une narration très simpliste, chronologique, affirmative (Il y a vingt ans, j’ai fait ci, ça…) et là, vous n’aurez rien compris à l’exercice. Ce qui fait la particularité de votre texte, c’est la manière de rendre les faits, de les restituer pour que le lecteur s’emmerde le moins possible.
Exercice 4 : Un problème ? Naaaaaaaaaaaan… une multitude de problèmes en fait
Vous avez donc une multitude de textes sous la main. Planquez-les six mois dans un tiroir, sans les relire. Puis, après six mois, piochez-en un. Relisez-le. Aïe, n’est-ce pas ?
Ouais, ça fait mal. Alors déterminer ce qui ne va pas : c’est confus ? Vous n’avez rien compris à ce qui arrive ? Vous n’arrivez pas à comprendre comment vous avez pu écrire une merde pareille ? Oui, ben si vous avez réussi à faire ça, et à croire que c’était bon même (je n’en doute pas). Et puis toutes ces répétitions, et cette tournure, là, c’est d’une maladresse ! OMD ! Vous avez osé accorder le participe passé après avoir ! Mais fallait pas ! Ah, et puis quand même, si vous pouviez éviter de faire des phrases ayant toujours la même structure répétitive, ça serait sympa. OH ! Z’avez-vu ce record ? 37 fois le terme « je » et 21 fois « il » ! En un paragraphe de vingt lignes, c’est classe ! (bienvenue dans le Guinness des erreurs les plus courantes des auteurs débutants !)
Le but : on s’améliore avec le temps, toujours, l’oeil (le cerveau plutôt) devient plus critique. Quand on relit trop un texte, on ne le voit plus. En fait, on ne relit pas, l’oeil zappe, le cerveau reconstruit… et élimine les petits défauts (parfois même les très gros défauts) de votre texte. Il est sympa votre cerveau, il veut vous faire voir la vie du bon côté. Ne le croyez pas, et mettez-le au vert.
Une bonne relecture, c’est quand vous avez oublié l’histoire (ce qui vous permet de voir si vous êtes confus ou avez oublié des détails importants), quand vous avez oublié votre style (« je », »je, »je ») et quand vous avez oublié votre but (parce que si vous avez bien fait le boulot, vous le retrouverez vite). Relisez, Réécrivez, Reposez, Attendez, Relisez,etc. jusqu’à obtenir un bon texte (et ça prend du temps ! deux relectures, ça suffit à peine si vous êtes déjà bon ! Mais si vous faites le travail correctement, vous saurez quand arrêter (comme pour le départ pour la maternité, vous n’y croyez pas, mais c’est vrai : quand c’est le moment, on le sait !), alors si vous vous dites « J’ai lu trois fois, j’arrête ça « doit être bon », recommencez. Vous vous arrêterez quand vous vous direz « Franchement, ce texte est nul, mais assez bon pour que j’arrête, je peux pas faire mieux pour l’instant. »
Exercice 5 :
Franchement, après tout ça, vous avez encore besoin d’un exercice pour écrire ? Ca vous fait déjà pas assez de boulot, tout ça ? Oh, oui, vous avez un petit texte d’une page, mais imaginez faire ça sur un bouquin de 100 pages ? ben allez-y, vous attendez quoi ?
Le but : Ecrire un truc différent d’une histoire de toto va à l’école. Si vous avez fait tous les exercices, vous avez compris les possibilités autres que vous offre l’écriture. Donc, vous n’avez plus besoin de moi. D’ailleurs, vous n’avez jamais eu besoin de moi, juste de prendre conscience et confiance en votre écriture. Si vous doutez encore, c’est bien, le doute c’est sain. Mais ne doutez pas de vous, doutez plutôt de votre travail, de vos écrits.