Vers une baisse des taux de la BCE?

Publié le 06 février 2012 par Bourlingueur

Si aucun accord n’est conclu d’ici jeudi sur le programme d’austérité indispensable pour permettre le renflouement de l’Etat grec, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, sera sans doute assailli de questions sur la possibilité que l’institution renonce à ses profits potentiels sur les obligations grecques qu’elle détient.

Et si un accord est trouvé d’ici-là, il devra s’expliquer sur ses modalités, ses conséquences et le précédent ainsi créé.

Les marchés financiers seront aussi à l’affût d’indices sur ce que la BCE attend de sa deuxième opération de refinancement à trois ans, prévue le 29 février.

La première opération de ce type, fin décembre, lui a permis d’injecter 489 milliards d’euros dans le système financier et de faire retomber au moins temporairement la pression sur les banques de la zone euro.

Selon la dernière enquête Reuters sur les prévisions des professionnels des marchés monétaires, la BCE pourrait allouer 400 milliards supplémentaires aux banques à la fin du mois. (voir )

Pour ce qui est des taux, la menace de plus en plus nette d’une rechute en récession de la zone euro a augmenté la probabilité d’un assouplissement dès mars, d’autant que les pressions inflationnistes ont reflué.

LA CONJONCTURE SE DÉGRADE

La BCE n’a jamais ramené son taux de refinancement, le principal instrument de sa politique monétaire, sous 1% et certains membres du Conseil des gouverneurs renâclent à le faire tomber sous ce seuil.

En mars, les nouvelles prévisions de croissance et d’inflation des équipes de la banque centrale pourraient lui donner des raisons supplémentaires de franchir le pas.

« Les prévisions de mars seront pires que celles de décembre », prédit Christian Schulz, économiste de Berenberg Bank. « On peut estimer à 60% la probabilité d’une baisse de taux en mars parce que leur prévision de croissance est trop élevée. »

En décembre, les économistes de la BCE prévoyaient encore une croissance d’environ 0,3% dans la zone euro cette année.

Pour Padhraic Garvey, responsable de la stratégie taux d’ING, la BCE peut se permettre d’attendre d’en savoir plus sur l’évolution de la conjoncture avant de modifier ses taux.

« La prochaine baisse n’a pas besoin d’avoir lieu en mars. Nous pensons qu’elle aura lieu pendant le premier semestre », explique-t-il, ajoutant que la baisse des taux interbancaires Euribor est au moins aussi importante que celle des taux de la BCE.

« Le plus important, c’est que les taux Euribor soient orientés à la baisse. L’évolution des taux Euribor depuis un mois équivaut à une baisse effective des taux », dit-il.

L’Euribor trois mois, considéré comme le principal baromètre du marché des prêts interbancaires, a reculé de 26 points de base depuis le 1er janvier, pour revenir sous 1,1%, au plus bas depuis 11 mois.

RISQUES INFLATIONNISTES

Ce reflux traduit l’efficacité de l’opération de refinancement à trois ans de la BCE, devenue la principale arme anti-crise de la BCE puisque ses rachats d’obligations d’Etat tournent désormais au ralenti.

Mario Draghi a dit s’attendre à ce que l’opération à trois ans de la fin du mois suscite une demande « importante ». Et certains banquiers s’attendent à voir la BCE allouer aux banques un montant supérieur aux 400 milliards d’euros que prévoient les traders interrogés par Reuters.

Christian Schulz estime qu’une injection dépassant 1.000 milliards le 29 février risquerait de créer des tensions inflationnistes.

« La BCE devrait réagir très énergiquement, par des hausses de taux », ajoute-t-il.

Sur le chapitre grec, la BCE est soumise à la pression de certains créanciers d’Athènes qui souhaitent la voir transférer à l’Etat hellénique les profits que généreront les titres de dette grecs qu’elle a acquis depuis le début de la crise.

Selon des sources de la BCE, celle-ci a dépensé 38 milliards d’euros pour acquérir ces obligations, soit 12 milliards de moins que leur valeur faciale.

En rétrocédant les plus-values, la BCE apporterait sa contribution à la restructuration de la dette grecque sans pour autant financer directement un Etat, ce qui lui interdisent ses statuts.

Pour ce faire, elle pourrait céder ces titres au Fonds européen de stabilité financière (FESF) à leur prix d’achat, à charge pour le FESF de rétrocéder l’écart à Athènes.

« Je ne crois pas que la BCE essaiera de conserver ses obligations à n’importe quel prix », dit Christian Schulz. « Je pense qu’elle serait plutôt contente de s’en débarrasser. »