Les relations Soleil - Terre
La chaîne des relations
Soleil-Terre a ses racines dans le Soleil et influence l'environnement
de la Terre. Elle peut se schématiser suivant les deux
principales régions de l'héliosphère.
Le Soleil
En 1962, la sonde Mariner 2
confirmait les soupçons des astronomes du XIXème siècle : un "vent
solaire" souffle du Soleil en permanence jusqu'aux confins du
système solaire et délimite sa "zone d'influence",
l'héliosphère. Il est constitué d'un plasma (gaz ionisé) qui contient
principalement des protons et des électrons. Bien que
correspondant à une perte de masse de un million de tonnes
par seconde, ce plasma est très peu dense. Il véhicule néanmoins le
champ magnétique du Soleil, qui parvient ainsi jusqu'à la
Terre. La sonde ULYSSES
a révélé qu'il en existe en fait deux sortes : un vent "rapide" (700
km/s) qui s'échappe
surtout des pôles par les trous coronaux, régions où le
champ magnétique du Soleil est moins intense, et un vent "lent" (400
km/s), plutôt aux basses latitudes héliographiques, où la
contrainte du champ magnétique est plus forte.
Notre étoile a une autre
particularité : n'étant pas rigide, ses différentes parties ne tournent
pas à la même vitesse aux pôles et à l'équateur. Cette
rotation différentielle fait que les lignes de champ
magnétique se tordent, se brisent et se reconnectent, formant des
boucles. Parfois, celles-ci, remplies de plasma, se rompent dans une
brutale libération d'énergie sous forme de rayonnement (,
X, UV) et de particules. Le gaz chaud est expulsé dans
l'héliosphère. C'est alors l'éruption. Si elle se produit
sur la face du Soleil tournée vers la Terre, le flot de particules très
rapides (plus de 30 000 km/s ) met à peine 30 à 60
minutes pour parcourir les quelque 150 millions de
kilomètres qui nous séparent du Soleil.
Plus haut, dans la couronne -
une région très étendue constituant l'atmosphère externe du Soleil
(c'est le voile argenté très ténu que l'on voit lors des
éclipses) -, des phénomènes similaires peuvent se produire:
les éjections coronales de matière, communément appelées CME (Coronal
Mass Ejections). Ces perturbations du vent solaire
(probablement dues elles aussi à des phénomènes de
magnétisme) s'accompagnent d'une expulsion de plasma et d'une onde de
choc qui se propage dans l'héliosphère. Les particules éjectées,
bien que moins rapides que celles des éruptions, parviennent
à la Terre en deux ou trois jours.
Pour suivre l'activité
solaire, les scientifiques s'appuient sur un indicateur fondamental :
les taches solaires. Remarquées par les Chinois il y a plus de
2 000 ans, observées notamment par Galilée vers 1610, ces
taches noires se trouvent entre 10° et 40° de latitude. Leur diamètre
varie entre 50 et 50 000 km pour les plus grandes. Elles
résultent du confinement du plasma solaire par des lignes de
champ magnétique. Ainsi isolé, il se refroidit et forme une région plus
sombre. Le premier à avoir remarqué une périodicité
dans l'apparition des taches est un astronome amateur
allemand, pharmacien de profession, Samuel Heinrich Schwabe, en 1843.
Celui-ci a observé le Soleil 17 ans durant. Il a pu ainsi
constater que les taches suivent un cycle de 11 ans avec une
phase ascendante (4 ans environ), durant lequel leur abondance croît,
en même temps qu'elles migrent vers les régions
équatoriales, un maximum puis une phase descendante,
généralement plus longue (7 ans environ). Les pics du cycle des taches
correspondent à une augmentation de l'énergie magnétique du
Soleil. La cause en est encore mal comprise. Mais on
constate que plus il y a de taches, plus les phénomènes violents du
Soleil - éruptions et CME - sont fréquents.
Du point de vue des
astronomes, le minimum du 23ème cycle a eu lieu en 2008-2009. Le début
du 24ème cycle est prévu en 2010 avec un maximum en
2012-2013.
Face aux sautes d'humeur du
Soleil, notre planète dispose de deux protections naturelles : la
magnétosphère, écran apporté par le magnétisme interne, et
l'ionosphère, couche supérieure de l'atmosphère.
La magnétosphère
Heureusement, notre planète
possède une protection contre les particules provenant du Soleil : son
champ magnétique naturel. S'il n'existait pas, les doses
de radiations la rendraient parfaitement inhabitable. La
Terre est à l'intérieur d'une cavité, la magnétosphère, qui dévie les
flots de particules du vent solaire et des éruptions. Par
ailleurs, l'atmosphère terrestre absorbe plus de la moitié
du rayonnement solaire, ultraviolets et rayonnement X compris.
La protection de la Terre
contre les humeurs du Soleil, assurée par son champ magnétique naturel,
n'est pas efficace à 100 %. Lors des éruptions et CME, les
particules chargées qui arrivent au voisinage de la Terre
sont déviées par la magnétosphère. Mais celle-ci possède un point faible
: les hautes latitudes, tout particulièrement les pôles.
Là, les lignes du champ magnétique convergent et forment une
sorte d'entonnoir. Les protons peuvent s'y engouffrer.
Les CME, lorsqu'elles
atteignent la Terre, s'accompagnent d'une onde de choc qui comprime la
magnétosphère. Celle-ci peut être ramenée à 20 000 km à peine
de la surface de la Terre. Par ailleurs, le champ magnétique
du Soleil, qu'elles transportent, perturbe la magnétosphère terrestre.
La magnétosphère terrestre est une région facilement accessible aux satellites, qui peuvent mesurer in situ les caractéristiques du plasma : densité, degré d'ionisation, composition, distribution en énergie des particules, ondes, etc... Le plasma dans le système solaire est caractérisé par une structure cellulaire avec des zones frontières fixes séparant des régions aux caractéristiques variées. Des transferts de masse et d'énergie sont observables entre ces régions. Trois régions sont particulièrement intéressantes à étudier : les régions d'interface avec le vent solaire chaud (onde de choc, magnétogaine, magnétopause) où celui-ci est brusquement ralenti chauffé et dévié de sa trajectoire par le champ magnétique terrestre,
les "réservoirs" de plasma froid que constituent l'ionosphère et la magnétosphère interne (plasmasphère)
les régions d'accélération de particules, c'est à dire la queue magnétosphèrique et surtout les régions aurorales. Les régions aurorales situées dans les deux hémisphères jouent un rôle particulier dans le fonctionnement de la "machine" magnétosphèrique, c'est à dire dans la formation et l'écoulement des courants qui connectent les différentes régions de la magnétosphère. On a pu ainsi vérifier que les courants les plus importants se trouvaient au niveau de l'ionosphère, c'est à dire là où les particules chargées sont entraînées par l'atmosphère neutre. Cependant il existe aussi des courants dans la magnétosphère externe et entre celle-ci et l'ionosphère. Leur connaissance est indispensable pour bien comprendre la dynamique des particules dans ces régions. Par ailleurs la magnétosphère se caractérise par la présence de champs électriques et magnétiques, statiques et dynamiques. Les ondes électromagnétiques peuvent être extrêmement intenses comme par exemple, le rayonnement kilométrique auroral (AKR) : sa puissance est maximale vers 300 KHz et il constitue la source radio naturelle la plus intense émise par la Terre. Tous ces champs interagissent entre eux ainsi qu'avec le milieu ambiant. Ils jouent donc un rôle clé dans le transport et le chauffage du plasma. En définitive, l'environnement ionisé de la Terre est extrêmement complexe et sa compréhension nécessite la mise en place de différents programmes spatiaux mettant en œuvre plusieurs techniques de mesures et cela à différentes échelles.
Quelques découvertes et résultats récents
Physique solaire : intérieur et basse couronne Le satellite SOHO a fortement contribué à la connaissance de la structure du Soleil et à la reconnaissance de la physique des relations Soleil - Terre. La rotation rigide du Soleil le plus interne apparaît plus lente que celle des régions externes à certaines latitudes. Le rôle de la tachocline est reconnu dans les processus dynamo et la régulation des cycles. La circulation convective méridienne est montrée. L'image d'un intérieur solaire extrêmement structuré, où la dynamique de fines couches s'avère fondamentale, s'impose aujourd'hui (Figure ci-dessous). En combinant la physique solaire et la physique des particules, on aboutit à la validation du modèle de la machinerie solaire interne et on met en évidence des oscillations du neutrino et, donc, de sa masse éventuelle.
Vue tridimensionnelle
des écarts de vitesse dans les couches internes du Soleil et à sa
surface. Des "jets" dans les régions polaires, la présence
d'une couche de fort cisaillement (tachocline, vers
0,7 Rs) et la structuration en latitude de la rotation sont bien
apparentes. Ces mesures sont obtenues par les techniques
d'héliosismologie et les instruments de Soho.
Les différents modes du vent
solaire (rapide et lent) et leur lien avec l'activité solaire et des
structures photosphériques particulières est décrit.
L'importance de la reconnexion aux différentes échelles dans
le chauffage coronal est soulignée. Les ondes de Moreton, précurseur
des CMEs, sont décrites. La structuration magnétique de
la photosphère, de la chromosphère et de la basse couronne
est aujourd'hui reconnue comme cruciale dans les phénomènes de pertes de
masse. De plus, les processus à très petites échelles
s'avèrent fondamentaux pour le chauffage.
La mission STEREO
a permis pour la première fois de reconstruire non seulement la
troisième dimension, mais aussi la dynamique de structures
observées dans la couronne solaire (voir ci-dessous). L'observation des
régions polaires de notre étoile obtenue par ces sondes
lève en partie le voile sur des formations appelées "plumes
polaires", dont la structure reste encore mal connue, mais qui
pourraient jouer un rôle important dans l'accélération du vent
solaire. Jusqu'à présent, une controverse existait quand à
la nature même de ces objets : les plumes sont-elles des tubes de champ
magnétique ou des effets d'alignement sur la ligne de
visée ? Les résultats obtenus montrent qu'en fait les deux
types de structures peuvent coexister.
Reconstructions tridimensionnelles obtenues grâce à la mission STEREO Physique solaire (zone externe) et héliosphère Des écarts de la couronne par rapport au modèle magnéto-hydrodynamique traditionnel ont été mis en évidence. Les températures anisotropes et dépendant de l'espèce des particules, indiquent un rôle des ondes cyclotroniques dans le chauffage de la couronne. Des écoulements systématiques vers le haut ont été identifiés dès la basse couronne dans les trous coronaux, suggérant que le vent est accéléré dès la base de la couronne. Ces mesures des paramètres détaillés du plasma coronal montrent l'importance des processus cinétiques dans le chauffage et le rôle fondamental de la très basse couronne pour l'accélération du vent. L'observation systématique des CMEs (Coronal Mass Ejection) et des phénomènes associés dans la basse couronne a fait des progrès significatifs, notamment en ce qui concerne les perturbations à grande échelle (ondes EIT) émanant des régions actives. Les couplages entre instabilité à grande échelle et structuration magnétique à petite échelle sont pour la première fois accessibles aux observations. La présence systématique de populations non thermiques de particules dans le vent solaire et de processus explosifs d'accélération de particules dans la couronne a été observée, parfois à des énergies relativistes (atteinte du GeV en quelques secondes au maximum !). La notion d'atmosphère solaire "calme" a perdu sa signification au profit d'une vision dynamique à toutes les échelles observables. Les mécanismes d'accélération du Soleil éruptif sont très divers et extraordinairement efficaces. Or cette efficacité n'est pas comprise (Figure ci-dessous). L'étude in situ de l'interaction héliosphère/milieu interstellaire/galaxie commence.
Images obtenues par les instruments de Soho montrant la complexité topologique des champs magnétiques coronaux ainsi qu'un exemple d'éjection de masse coronale. Dans ce dernier cas, l'organisation hélicoïdale du champ est très visible. Magnétosphères terrestre et planétaires Les missions CLUSTER et DOUBLE STAR sont une contribution majeure à l'étude de la magnétosphère terrestre. Les échelles physiques des chocs dans les plasmas sans collision ont été identifiées. Structuration 3D systématique des couches de courants magnétosphériques et caractères 3D de la reconnexion.Physique de l'accélération : rôle relatif des ondes d'Alfvèn, des champs électrostatiques de grandes échelles, des structures microscopiques. Caractérisation de la turbulence et évolution non linéaire des ondes d'Alfvèn ; avec CLUSTER : mesure des courants (curlometer) et décomposition spectrale (k-filtering). La dernière génération de satellites magnétosphériques ouvre effectivement des perspectives entièrement nouvelles d'analyses de la dynamique des plasmas spatiaux. Topologie 3D et structuration microscopique en sont des éléments fondamentaux (Figure ci-dessous).
Exemple de relation "micro/macro" physique étudiées grâce à Cluster. Seule la présence simultanée des quatre satellites de Cluster permet de reconstruire la configuration magnétique "entrelacée", résultant vraisemblablement d'une reconnexion, montrée au centre de la figure. Dans le même temps, les fonctions de distribution des particules sont mesurées (ici les ions) et permettent d'identifier au niveau microscopique les modifications les plus fines de l'état local du plasma. Ici, un très net chauffage (distribution 3) et une entrée directe du plasma solaire dans l'environnement terrestre (distribution 4). Les premières applications de l'imagerie neutre ont vu le jour. GALILEO a permis de découvrir de nouveaux cycles d'activité concernant Jupiter, liés à des relaxations rapides d'énergie de rotation dans la magnétosphère. Interactions entre magnétosphère/satellites.La première magnétosphère propre d'un satellite. Ganymède a été découverte. Les environnements planétaires sont des terrains privilégiés d'études de phénomènes et de processus nouveaux. Le microsatellite DEMETER, lancé en Juin 2004 est toujours opérationnel en 2010 avec un fonctionnement nominal des instruments. Les données recueillies tout autour de la Terre ont mis en évidence les effets de l'activité humaine sur la magnétosphère : influence des émetteurs TBF utilisés pour les communications sur les particules des ceintures de radiation et influence du rayonnement émis par les harmoniques du 50 ou du 60 Hz. La Figure ci-dessous montre la distribution géographique du flux des électrons de 200 keV quasi piégés. Distribution géographique du flux des électrons de 200 keV quasi piégés. On note une large augmentation du flux au niveau de l'anomalie de l'Atlantique Sud et sa contrepartie dans l'hémisphère Nord où l'on observe une décroissance, ainsi qu'une structure associée à l'émetteur NWC en Australie. Cette dernière est détectée seulement à partir de la côte ouest et suit la ligne L =1.7 (pointillé) comme il est prévu pour la dérive des électrons. Ionosphère, thermosphère et exosphère : Les éruptions solaires intenses de novembre 2003 ont été propices à des observations remarquables : formation de "bulles" de plasma à basses altitudes (60 km), génération de molécules NOx, diminutions fortes de l'ozone (70 %) lors des événements à proton. Que de tels phénomènes puissent encore être découverts dans notre proche environnement, que des processus aussi intenses que les sprites soient juste décrits, sont de remarquables exemples de la vitalité et du potentiel de ces domaines (Figure ci-dessous).
Vue recomposée des phénomènes se développant aux interfaces atmosphère / thermosphère / Ionosphère, au-dessus des systèmes orageux (sprites, elfes). La décennie a été aussi celle de la mise au point des modèles de couplages globaux (atmosphère/thermosphère/ionosphère/magnétosphère) et du début de leurs tests expérimentaux. Ces domaines recouvrent également les thématiques "météorologie spatiale". Au chapitre planétaire, avec GALILEO, les premiers résultats MARS EXPRESS et CASSINI, de nouveaux chapitres sont en train de s'ouvrir concernant l'aéronomie, la physico-chimie exosphérique et les processus de sputtering, processus qui se produisent sur Mercure et qui seront étudiés par la mission BEPICOLOMBO. Par exemple, avec les mesures de MARS EXPRESS et VENUS EXPRESS, il a été possible de préciser la configuration générale de l'obstacle magnétique induit par l'interaction du vent solaire avec l'ionosphère de Mars et de Vénus. Les premières mesures du taux d'échappement de certains ions ont été réalisées, prouvant la réalité du phénomène d'érosion atmosphérique. |