Fantin-Latour, Manet, Baudelaire : L’hommage à Delacroix, nouvelle exposition du confidentiel Musée national Eugène Delacroix, raconte la fascination qu’exerce le peintre de La Mort de Sardanapale dans les années 1860 sur un petit cénacle d’artistes et de critiques.
1863. Eugène Delacroix disparaît. L’artiste a marqué son siècle par son indépendance radicale à l’égard des conventions académiques — son œuvre fit souvent scandale — indépendance teintée d’ambivalence, tant il cherchait aussi la reconnaissance institutionnelle. Objet d’un culte fiévreux porté par certains, auréolé de commandes officielles, c’est pourtant dans une indifférence relative que se déroulent ses obsèques. Indigné, le jeune et fervent Henri Fantin-Latour (1836-1904) prépare sa réponse, un ambitieux hommage pictural au Maître.
Salon de 1864. Des mois durant, Fantin-Latour cherche la formulation idéale. D’abord tenté par l’Allégorie, il choisit de rassembler quelques-uns des admirateurs les plus enthousiastes de Delacroix que compte son entourage. Inspiré par les portraits de groupe de Frans Hals, il réunit les peintres Louis Cordier, Alphonse Legros, Edouard Manet, James McNeill Whistler, Félix Bracquemond et lui-même, ainsi que les critiques Charles Baudelaire, Champfleury et Edmond Duranty. Delacroix, quant à lui, apparaît dans un portrait peint figuré à l’arrière-plan. Pour ces hommes — tous engagés dans un renouvellement artistique profond —, Delacroix avait incarné, certainement le premier, une révolution absolue dans l’histoire récente de la peinture.
Autour de cette toile-manifeste, le Musée Delacroix présente donc peintures, dessins, gravures et autographes. Outre de nombreuses études pour le tableau, sont proposés des œuvres et des documents témoignant de l’engouement des différents protagonistes pour Delacroix — copie de La Barque de Dante par Manet ou d’un détail des Femmes d’Alger par Fantin-Latour — mais aussi de la densité de leurs échanges —portraits mutuels (Fantin-Latour par Whistler, Legros par Bracquemond, Manet par Legros, Baudelaire par Manet, etc.), correspondance, invitations. Pour ces artistes et écrivains, Delacroix représentait assurément une figure tutélaire, plus sûrement que Courbet dont certains cherchaient déjà à se détacher. Le parcours, un peu trop systématique, s’achève — loin des préoccupations de Baudelaire ou de Manet — sur le monument élevé à la mémoire du Maître par Jules Dalou (1890) et l’intérêt alors ravivé de Fantin-Latour qui expose au Salon de 1889 Immortalité, figure féminine un peu mièvre fleurissant son tombeau.
Ainsi, le défi de l’exposition, concentrée sur une œuvre centrale, n’est qu’en partie relevé. L’on aurait souhaité en voir davantage sur ce que permit Delacroix dans l’éclosion de la Modernité : comment désormais certains de ces artistes — notamment par le rejet des conventions et le jeu sur la planéité — allaient jeter la picturalité à la face du spectateur. Oui, l’on aurait aimé une approche sensiblement moins factuelle pour illustrer le propos de Fantin : « Le Romantisme, c’est le véritable art moderne ».
Fantin-Latour, Manet, Baudelaire : L’hommage à Delacroix
Jusqu’au 19 mars 2012
Musée national Eugène Delacroix
6, rue de Fürstenberg - 75006 Paris
Tél. : 01 44 41 86 50
Ouvert tous les jours de 9h30 à 17h sauf le mardi
Entrée : 7 €
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